La vie quotidienne à Arras sous les obus
La vie quotidienne à Arras sous les obus
Les informations qui suivent sont principalement fournies par le livre de l’abbé Foulon, Arras sous les obus (Ed. Bloud et Gay, 1915). Il couvre le début de la guerre jusqu’au premier semestre 1915.
Les Allemands enserrent Arras sur une très grande partie de son périmètre ; la ligne de front n’est qu’à quelques centaines de mètres de la ville martyre, bombardée durant quatre années.
« A la crainte des obus, s’ajoutait pour ceux qui étaient restés, celle de mourir de faim, tous les boulangers, sauf un, ayant fui. » 1
Le ravitaillement ne peut être assuré que par la route nationale 39, Saint-Pol - Arras, dont l’accès est strictement contrôlé, « équivalent artésien de la Voie sacrée meusienne ». 2
Le ravitaillement est sous la responsabilité des autorités municipale et préfectorale. Ainsi, Madeleine Wartelle rapporte, fin octobre 1914 : « Le ravitaillement est encore facile, grâce aux ressources qu’offre la ville. Plus tard, le préfet saura prendre les mesures nécessaires pour approvisionner de pain la population ; elle n’en a jamais manqué. Pendant les jours de bombardements intenses, les autos en ont apporté du dehors. » 3
Notons le rôle important qu’ont joué les commerçants n’ayant pas pris le chemin de l’exode, à l’instar de Victor Leroy (maire d’Arras de 1919 à 1922), propriétaire d’une droguerie, qui resta dans la ville meurtrie durant toute la durée de la guerre. Georges Paris dresse ce constat :
« Les commerçants qui n’ont pas voulu quitter Arras font de brillantes affaires. Les clients sont nombreux : militaires de passage venant au ravitaillement, Arrageois revenus pour tenter un déménagement de leurs meubles, habitants d’Arras et des campagnes environnantes. M. Mathon, dans son journal, s’indigne des prix pratiqués mais omet de parler des risques mortels qu’entrainait toute présence dans la ville. » 4
Et à situation exceptionnelle, inflation exceptionnelle ! Entre 1913 et 1920, les prix de gros furent multipliés par six.
Les dossiers de la Mission militaire française, conservés à la médiathèque municipale nous permettent, dans le procès-verbal ci-dessous, de découvrir les articles que vendait une épicerie.
Inventaire d'une épicerie en avril 1918.
Les services publics
L'ensemble des services publics (préfecture, inspection académique, contributions) ainsi que le conseil général, sont repliés d'Arras à Boulogne-sur-Mer pendant la durée de la guerre.
Au 20 septembre 1915, il y avait encore à Arras, outre les bureaux de la Mairie, procureur et juge d’instruction, le juge de paix, un bureau des contributions indirectes, un receveur d’enregistrement et un bureau de liaison avec la Préfecture, mais tous les chefs de ce service étaient à Boulogne-sur-Mer.
L’Hôtel de Ville en ruines dès le début de la guerre, le maire Emile Rohart-Courtin fit de sa maison, située dans l'actuelle rue Fernand-Buisson, la mairie. Ses adjoints quittèrent la ville.
Concernant les employés municipaux, nous disposons de peu d’informations. Pour ceux qui ne furent pas mobilisés, l’abbé Foulon note que tous les chefs de service partirent à Boulogne-sur-Mer. Ainsi, par la correspondance de Victor Leroy à Alice Advielle, conservateur du musée des Beaux-Arts, nous savons que celui-ci trouva refuge avec son épouse à Montreuil-sur-Mer, tandis que l’un des gardiens du musée, Boidin, resta dans la ville dévastée.
L’histoire de la ville retient le nom de Jules Cronfalt, préposé en chef de l’octroi, grâce à ses notes journalières qu’il tint dans des carnets conservés aujourd’hui à la médiathèque municipale.
En mai 1915, le Tribunal civil d’Arras était constitué d’un président, de deux juges, du ministère public, d’un greffier et d’un huissier.
En raison de destructions, le bureau central fut transféré salle des Concerts ; puis dans les caves du Palais Saint-Vaast.
Fin juin 1915, le service des postes comptait douze personnes, dont deux facteurs enfants.
« Le grand rendez-vous des Artésiens est toujours la poste. Une foule de personnes de tout âge attend au square Saint-Vaast vers 2 heures l’arrivée de l’auto grise pour se disputer les journaux : le Télégramme, le Petit Parisien, l’Echo de Paris, etc. » 15 janvier 1915
La Poste - Le 19 juillet 1915 : visite du ministre Thomson à Arras
M. Wacquez, adjoint retraité des pompiers réussit à reconstituer une équipe d’une vingtaine d’hommes.
Les hôpitaux et les ambulances (établissements hospitaliers temporaires)
Parmi les nombreux hôpitaux ou ambulances que comptait Arras, seul un établissement ne fut pas atteint par les obus les 6, 7 et 8 octobre 1914… Pourtant, le drapeau de la Croix-Rouge y flottait ; la ville était ville ouverte ; ils soignaient aussi des prisonniers allemands.
L’ancien couvent du Saint-Sacrement (Grand Séminaire)
L’Ecole normale des Garçons (l’hôpital n° 101)
Le collège municipal des Garçons (l’hôpital auxiliaire 101 bis)
L’hôpital de Notre-Dame de Bon-Secours
L’hôpital Saint-Jean
Le pensionnat Jeanne-d’Arc
L’institution Saint-Joseph
Le collège des Filles
La Maison des Sourds-Muets
L’hôpital de l’institut Parisis (Mgr Parisis fut évêque d’Arras), le seul qui ne fut pas touché par les obus.
Dans cet article condescendant et misérabiliste du Parisien en date du 22 octobre 1914, le journaliste décrit la vie des Arrageois, qui, pour se protéger de la mitraille et devant leur maison anéantie, trouvent refuge dans les caves.
« La vie dans les caves
Ils trouvèrent un refuge provisoire dans les caves où toute une population s’était réfugiée. […] Dans la crainte de l’inconnu, des vieillards infirmes, des impotents, des craintifs aussi, se sont organisé une existence souterraine dont ils semblent fort bien s’accommoder en attendant des jours meilleurs. […] La lumière qu’ils reçoivent de leurs soupiraux leur suffit. »
Certes, la population pouvait trouver refuge provisoirement dans les caves lors des bombardements... En contrepoint, voici une photographie exceptionnelle d'une famille arrageoise dans sa maison, en 1916. L'homme lisant son journal est Victor Leroy, qui sera maire d'Arras de 1919 à 1922. Il résidait 2 rue du Puits-Saint-Josse.
Les attaques chimiques furent utilisées dès 1915, massivement à Ypres par les Allemands le 22 avril 1915. Le masque à gaz fut introduit l’année suivante. A Arras les populations civiles furent aussi la cible des gaz toxiques. Georges Paris nous livre ce témoignage :
« Le bruit du canon restait incessant, les obus de 210 et 77 pleuvaient chaque jour s’accompagnant d’obus incendiaires et parfois même de gaz asphyxiants. Le 23 juillet [1916], à 10h. ½ , la cloche des Ardents, la seules restée intacte par les bombardements, se mit à sonner à toute volée tandis que les trompettes anglaises lançaient des notes longues et lugubres. Ce sont les signaux d’alarme annonçant la présence des gaz asphyxiants et incitant à se couvrir la figure des masques protecteurs. […] A partir de juillet, les Anglais exigèrent le port du masque à gaz, mesure justifiée par les événements. » 5
Le Lion d’Arras, journal de siège et d’Union sacrée, paraît du 1er janvier 1916 au 1er janvier 1920.
Son rédacteur en chef est l’abbé Aimé Guerrin. On retrouve sa plume sous divers pseudonymes, comme J. Darras.
Le Lion d’Arras permet de suivre la vie locale, d’informer de la vie sur le front, sur les faits de guerre. Mais en informant la population des points de chute des obus, des destructions des édifices, le journal rencontre la censure du pouvoir militaire (dès le 2 août 1914, un décret relatif à l’état de siège suspend la liberté de la presse). Dans son édition du mercredi 16 février 1916, deux colonnes de la première page se couvrent d’un encart blanc, avec la seule mention : « Supprimé par la Censure. »
Le 6 novembre 1915 : visite nocturne aux ruines d'Arras
Naître, se marier, mourir à Arras
Naître
1913 : 529 actes de naissance ou de reconnaissance
1915 : 45 naissances à Arras
1916 : 13 naissances à Arras
1917 : 10 naissance à Arras
Concernant les années 1916 et 1917. Les naissances ont lieu principalement à domicile ; il est mentionné deux naissance à la maternité sise 88 rue Saint-Aubert (l’hôpital Saint-Jean)
La déclaration est faite en présence de deux personnes parmi les noms ci-dessous :
Louis Emile Rohard (l’orthographe peut différer : rue Rohart-Courtin), maire et officier de l’état civil
Léon Guimart, receveur d’octroi
Léon Denglos, huissier à la mairie
Henri Boursier, secrétaire en chef à la mairie
Cyprien Petit, receveur des Hospices
Isaïe Boutry, employé de bureau
Edmond Vaquette, Emile Richard, employé au chemin de fer
Parfois, seul l’un d’entre eux est présent ; une personne n’étant pas employée supplée. Sa profession est indiquée : ménagère, menuisier, charretier, journalier.
Se marier
1913 : 187 actes de mariage et divorce
1915 : un mariage
Victor Julien Roulland , employé de commerce, sergent télégraphiste au 8e régiment du génie aux armées et Augusta Constantine Léocadie Carpentier, institutrice.
L'acte mentionne :
1916 : deux mariages
Bélisaire Joseph Adolphe Déplanque, mécanicien et Henriette Marie Madeleine Simon, ménagère
Emile Charles Henri Vanhove, principal clerc d’avoué et Maria Amélie Brasseur, sans profession
1917 : 7 mariages et 2 divorces
Mourir
« 10 octobre 1914.
La gendarmerie décide qu’on n’enterrera plus les morts, mais qu’on les brûlera. L’œuvre est commencée, mais il paraît que les corps ne veulent pas se consumer, alors, on les arrose sans cesse de pétrole et c’est une effroyable odeur de chair calcinée qui se répand alentour. Cette macabre invention consterne le docteur Carpentier. Il rappelle à la gendarmerie qu’il faut enlever les médailles de ces malheureux. » 6
Arras, 1914, les hôpitaux militaires dans la tourmente (27 août / 8 septembre 1914)
Les ambulances d’Arras occupées
Le 19 août 1915 : vie quotidienne des derniers Arrageois
Le Lion d'Arras, journal de siège
1 - Madeleine Wartelle, Les Cités meurtries, Arras, 1914 – 1915, Librairie de l’Eclair, p. 27
2 - Histoire d'Arras, sous la direction de P. Bougard, Y.-M. Hilaire, A. Nolibos, Ed. Le Téméraire, 2000, p. 280
3 - Madeleine Wartelle, Les Cités meurtries, Arras, 1914 – 1915, Librairie de l’Eclair, p. 27
4 - Docteur Georges Paris, Un Demi-siècle de vie arrageoise, 1971, p. 47
5 - Ibidem p. 55
6 - Emmanuel Colombel, Journal d’une infirmière d’Arras, Le Livre d’histoire, 2014
L'exposition "Arras : les civils dans la guerre"
(Re) découvrez cette exposition présentée en 2016 à l'Hôtel de Ville et à la médiathèque. Elle fut réalisée par Laurent Wiart, directeur du réseau des bibliothèques municipales.
Flyer de présentation
Les ombres errantes
Les civils dans la guerre
Vivre sous les bombes
Vivre dans les caves
Se nourrir dans les ruines
La Madelon d'Arras
Les exilés
Les autorités civiles et religieuses de la ville
Une difficile cohabitation entre civils et militaires
Auguste Coty
Pierre Cressonnier
Jules Mathon
Jules Cronfalt
Une organisation militaire (mars 1916 - 1918)
Les premiers Etats-Majors britanniques s'installent dans Arras dès mars 1916.
Nous avons analysé l’unique dossier administratif de la période 1914 – 1918 conservé aux archives municipales. Il s’agit des documents intitulés « Mission militaire française » conservés à la médiathèque municipale, composés de rapports (vol et pillage de maisons arrageoises) de police ou de gendarmerie durant le conflit.
(source des documents présentés : bibliothèque d'histoire locale de la médiathèque)
Différentes structures et organisations apparaissent, voici les principales :
Headquarters : quartier général (12 rue des Promenades : Etat-Major anglais)
Le Town major : gouverneur de la ville. (également dans les communes voisines d’Arras)
APM du 17e Corps britannique Ce sigle n’est jamais développé, il signifie très probablement : Assistant Provost Marshall ou Grand Prévôt Adjoint. (Le commandement de la police militaire est souvent connu sous le nom de prévôté ou prévôté militaire)
Claims commission : commission des réclamations
Brigade d’incendie anglaise
L’organisation militaire spéciale d’Arras ou Mission militaire française (2e bureau), first army (attaché à l’armée britannique)
Elle fut dirigée par le commandant d'armes de la Place d'Arras :
Le Lieutenant-Colonel Boissonnade ; Le Lieutenant-Colonel Henri de Pimodan (photo ci-dessous) ; le capitaine Auguste Dumand. Etat-Major : 3 rue des Promenades.
Avant l’arrivée des troupes britanniques, l’autorité militaire en la personne du général de Vignacourt, commandant d’armes. (source : albums Valois / La Contemporaine)
L’organisation militaire spéciale d’Arras ou Mission militaire française (2e bureau), first army (attaché à l’armée britannique)
Elle fut dirigée par le commandant d'armes de la Place d'Arras :
Le Lieutenant-Colonel Boissonnade ; Le Lieutenant-Colonel Henri de Pimodan ; le capitaine Auguste Dumand. Etat-Major : 3 rue des Promenades.
Article : le colonel de Boissonnade, commandant de la place d'Arras
Le général Duplessis demeure au 19 rue des Chariottes (en 1917).
Commissaire militaire à la gare d’Arras
La Direction de l’intendance de la Mission militaire française attachée à l’Armée britannique (rue des Promenades)
Cercle des Officiers de l’armée britannique chez M Blondel, 4 rue du Tripot
Le Commissariat central de Police, service de la sureté
Fonctions : agent auxiliaire de sûreté, brigadier de police, chef de la sureté, agent de la sûreté de la Ville
La continuité des institutions républicaines semble maintenue : le commissaire central de police de la ville d'Arras est officier de police judiciaire auxiliaire de Monsieur le Procureur de la République.
Le commissaire transmet les rapports au Commandant d’Armes, organisation militaire spéciale d’Arras. Les rapports mentionnent : « agissant en vertu des instructions de Monsieur le commissaire central, consécutives aux ordres de Monsieur le Commandant de Place » (juin 1916).
Un sous-brigadier est préposé à l’ouverture et à la fermeture des portes des maisons destinées au cantonnement et dont le propriétaire est réfugié.
24 et 26 rue des Quatre-Crosses : bureau provisoire du commissariat
La Gendarmerie nationale, 1ère légion détachement prévôtal d'Arras – 17e CAB détachement prévôtal d'Arras
Transmission des rapports au commandant de la Place d’Arras. Les rapports mentionnent : « agissant en vertu d’un ordre de la Place d’Arras » (avril 1917)
Fonctions : gendarmes à pied – commandant du détachement
Un réfugié doit demander un laisser passer au Town Major pour se rendre à Arras.
Des militaires français sont interprètes auprès de l’armée britannique (l'administration étant bilingue).
Des objets (vaisselle et verrerie, outils, Machines de l’Imprimerie moderne...) provenant des maisons de particuliers sont réquisitionnés avec l’autorisation du Commandant d’Armes et du Maire pour le Cercle des Officiers de l’armée britannique. (Le lieutenant Lewis est chargé du Branch requisition office à la III e Armée en juillet 1916).
Ici, la réquisition de tapis (carpettes) donne lieu à une indemnité.
En cas de contestation entre l’Armée anglaise et les prestataires réquisitionnés la question est tranchée par l’Intendance française, sur la base de ses tarifs. (L’intendant militaire Foliot, directeur de l’intendance de la Mission militaire française attachée à l’Armée britannique. Service des réquisitions et évacuations d’Arras – en juillet 1916)
Des réquisitions n’ont pas un usage domestique mais militaire. Elles sont effectuées ici par le service des réquisitions et d'évacuations des métaux et concernent deux établissements de constructions métalliques et de chaudronnerie.
Existence d’une unité sanitaire anglaise. Un rapport mentionne qu’elle intervient suite au bombardement d’une maison dont le propriétaire est négociant en œufs. Cette unité doit « remonter de la cave les pots en grès contenant une certaine quantité d’œufs pourris répandant une odeur infecte à tel point que les soldats ont dû désinfecter la cave avant de pouvoir y descendre. »
Des cuisines roulantes étaient installées dans le Palais de Justice.
Douches au 70 rue de Doullens.
L’armée anglaise installa au début de l’occupation de la ville un établissement de bains à l’usage des officiers, impasse Saint-Michel (chez un particulier).
Au 26 rue des Louez-Dieu le propriétaire avait fondé une maison de jeux pour les militaires britanniques, dénommée Le Repos du soldat. Un club anglais y cantonna à partir du 21 mars 1916.
La Young Men's Christian Association (YMCA) (L'Association chrétienne de jeunes gens), loue une maison sise 5 rue du Tripot (rue Neuve-des-Ardents).
Gare à Maroeuil pour se rendre à Boulogne-sur-Mer (en 1916).
Le cantonnement des maisons par les militaires
Lorsqu’une maison est destinée à un cantonnement, un inventaire est effectué par le service des cantonnements de la Place d’Arras (en théorie !), les meubles sont déposés par exemple dans les chambres dont les portes sont ensuite scellées.
Exemple d'inventaire en raison de disparitions suite à un cantonnement. Nous lisons l'ampleur de la tâche ! (d'autres inventaires sont beaucoup plus importants) :
Ici la cave à vin sera probablement fermée à clé…
L’inventaire est archivé à la Claims’ commission ou au Commissariat central. C’est un préalable pour l’instruction d’une réclamation auprès de la Claims’ commission lorsque le soupçon pèse sur les troupes britanniques.
Le propriétaire dont la maison est l'objet d'un cantonnement reçoit une indemnité.
La réquisition d’une maison et l’indemnité qui en découle concernent pour une maison sise 7 rue des Fours des employés du Chemin de fer du Nord. Dans un courrier en date du 18 avril 1918, l’indemnité est fixée à 0,20 franc par inspecteur (deux dans cette maison) ; 0,05 franc par employé (dix dans cette maison) ; 0,01 franc par mètre carré (superficie occupée : 81 m2), le tout par jour.
Le total de l’indemnité allouée est de 1,71 francs par jour (aucune literie n’est fournie par la propriétaire).
Dans le cas d'objets manquants ou de détériorations, l'inventaire est vérifié.
Puis une réclamation pour dégâts de cantonnement est établie.
Mais le cantonnement a lieu parfois sans autorisation...
Le cantonnement militaire britannique est mentionné dans différentes rues : rue Pasteur, du Saumon, du Coclipas, Saint-Michel (cuisines), du Vert-Soufflet, Saint-Aubert, des Quatre-Crosses, des 11000 Vierges, Gambetta, à la caserne Montesquiou, à l'hôtel de l'Univers, au collège des jeunes filles rue Gambetta…
Aucun civil n’habite plus la Grand’Place depuis le 6 février 1917.
« Dans la rue de la Fourche il ne reste plus aucun civil et des troupes anglaises sont cantonnées dans les maisons des rues adjacentes. » (mars 1916)
Cantonnement de téléphonistes anglais au 8 rue du Crinchon.
Le vol ou le pillage des maisons
Une note nous renseigne sur les rapports entre l’armée britannique et la population concernant les dégâts des logements.
Les maisons, lorsque le propriétaire est réfugié, peuvent êtres gardées.
Extrait d'un courrier : « J’ai quitté ma maison le 7 octobre 1914 avec ma femme, n’emportant absolument rien, à la suite d’un obus qui a éclaté dans notre chambre. […] J’ai donné la garde de ma maison à M Lazare Guy, préposé au poids publics vers juin 1915. Ce dernier a gardé ma maison jusqu’à l’occupation des troupes britanniques dans les caves de la Petite Place. ». M Robin, chapelier, 52 Petite Place, exilé à Saint Julien du Sault
Souvent, le pillage ou le vol d’une maison fait suite à son bombardement. Les voleurs passent par les trous créés par les obus dans les murs mitoyens.
Adjectif désuet utilisé couramment lorsqu’une maison est pillée : maison banale.
Extrait de courriers :
« Il est regrettable qu’à Arras il soit resté, parmi les habitants dont on admire la conduite, d’autres personnes qui ont employé leur temps à coopérer de dévaliser leurs concitoyens » 5 juillet 19017, M Robillard.
Vol de bois par les soldats anglais pour se chauffer. (Les troupes anglaises brûlent les lambris, les placards, les portes de la recette principale des contributions indirectes, 76 rue d’Amiens).
Il est très souvent question de vols de vin… Les millésimes sont détaillés dans les courriers….
Les procès-verbaux suite à un pillage sont établis en deux exemplaires, dont l'un est archivé.
Rarement, suite à un pillage ou un vol, la maison fait l’objet d’une surveillance.
Dans ce courrier, le Maire (Louis Emile Rohard-Courtin) autorise le propriétaire victime d’un pillage à déménager les marchandises restant dans sa maison dans un autre lieu.
Le courrier ci-dessous révèle la perte totale des biens de la propriétaire de la demeure nommée le Château de Saint-Sauveur, 80 rue de Cambrai, ainsi que l’anéantissement de cette propriété « complètement dévastée et sillonnée de tranchées. »
Une note du commissaire en date du 18 juin 1917 indique que les faits se sont passés à proximité de la ligne de feu et dans un secteur interdit depuis le mois d’octobre 1914 aux civils.
Même les disparitions minimes font l’objet de rapport, ici une lessiveuse trouée par des éclats d’obus…
Des courriers mentionnent des demandes d’indemnisation des pillages d’une maison par les dommages de guerre, ou par les indemnités de dégâts de cantonnement.
Nombreuses suspicions de vol sont attribuées aux militaires britanniques. Souvent, le dépositaire de la plainte, pour accréditer le vol par ceux-ci, retrouve un objet compromettant oublié sur le lieu du larcin.
« Dans la cave où se trouvaient environ 150 bouteilles de vin rouge et blanc ainsi que quelques bouteilles de champagne, il n’en reste aucune et les malfaiteurs qui ont cassé plusieurs bouteilles par terre, y ont oublié une boite d’allumettes anglaises… » janvier 1917
« Tous les vins de marque sont disparus, dans l’un de leurs casiers nous trouvons une boite d’allumettes anglaises pleines et 4 verres. » 15 janvier 1917
« Mes soupçons se portent sur les militaires anglais qui sont cantonnés dans le voisinage. » avril 1917
Des policiers britanniques, avec leurs collègues français, mènent les enquêtes.
Très peu de rapports donnent suite à des sanctions.
Suite au vol dans une maison rue Jeanne d’Arc une perquisition a lieu dans une maison voisine où cantonnent des militaires britanniques. Un couvre-lit volé est retrouvé : l’artilleur Walton est arrêté et passera en conseil de guerre. Il le déclarera non coupable.
Sanction exceptionnelle : deux militaires anglais sont condamnés à un an d'emprisonnement avec travaux forcés, pour vol de vin.
« […] les Anglais n’ont pas cessé de boire et de piller ; il est incontestable que le pillage est resté l’une des plus fortes rancœurs des Artésiens à l’encontre des Anglais. « Les soldats anglais sont encore plus pillards que les soldats français ». En effet, si les officiers sont bien logés, ont des ordonnances et mangent convenablement, la troupe est médiocrement nourrie, couche dans les caves et a toujours froid. Par ailleurs, la découverte des caves arrageoises, comportant du french wine et du champagne, ont favorisé les « assauts » des soldats britanniques ! Le pillage est condamnable et déplorable, mais il est malheureusement inhérent à toutes les armées en campagne. L’univers de la tranchée, la boucherie du combat de masse, ainsi que la mort omniprésente devaient choquer profondément ces hommes. » 1
1 - Alain Jacques, La Bataille d’Arras, avril-mai 1917, Documents d’Archéologie et d’Histoire du XXe siècle, 1997, p. 24
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