Les dates de la Grande Reconstruction
Les problèmes de la Reconstruction
Les indemnités de dommages de guerre
Le coefficient de destruction pour le calcul du taux de subvention
Les dates de la Grande Reconstruction
La première autorisation de reconstruire date du 4 juin 1920, elle concerne les 36 et 38 rue Ernestale. Le 16 boulevard de Strasbourg inscrit fièrement sur sa façade "1919" : il s'agit d'une restauration.
L'Hôtel de Ville est inauguré le 21 août 1932 (à 10h30). Les travaux s'achèvent officiellement avec l'inauguration de la cathédrale le 13 mai 1934.
Cependant, la maison sise au 74 rue Saint-Aubert fut alignée en 1936... et des maisons des places n'étaient pas encore reconstruites dans les années 1960.
« Il resta, dans l’alignement de la façade ouest [de la Grand’ Place], une brèche qui subsista jusqu’en 1964. Le terrain fut alors racheté par le Syndicat Agricole d’Arras qui y construisit des bureaux ultra modernes derrière deux façades si admirablement restaurées que l’on pourra bientôt les croire authentiques.
Une autre brèche existe encore en 1967, sur le côté est. » 1
1 - Docteur Georges Paris, Un Demi-siècle de vie arrageoise, 1971, p 76
Les problèmes de la reconstruction
Avant de reconstruire, il a fallu déminer, déblayer les décombres, rétablir les sources, les canalisations d’eau potable, les voies de communication, des moyens énergétiques nécessaires à la reprise de l’économie, héberger temporairement les populations de retour.
Le déblaiement des décombres est confié à l’entreprise Paindavoine et Collignon par un marché datant du 30 décembre 1918. Les décombres sont estimés à un volume de 502 000 m3 (volume de la cathédrale Notre-Dame de Paris : 100 000 m3) et sont enlevés par train vers les terrains de décharge qui sont la fosse de fortification entre la porte d’Amiens et la porte Baudimont. 1
" Trop souvent, la destruction est montrée, pleurée et commémorée, tandis que ceux qui déblayent diligemment les décombres et rendent leur monde à nouveau vivable, jour après jour, sont oubliés.
La reconstruction est plus importante que la destruction et mérite qu'on s'en souvienne."
Rudi Vranckx, journaliste de guerre
Les sapes ou galeries souterraines
Excavation boulevard de Strasbourg d’une superficie de 15 mètres carré et d’une profondeur de plus de 3 mètres. Selon le rapport de l’Architecte-voyer les éboulements étaient dus à la présence d’une sape creusée au cours de la guerre à 18 mètres de profondeur.
Les périls imminents
Lettre d’un huissier qui signifie au propriétaire, 11 place Sainte-Croix d’évacuer son immeuble dont la démolition s’impose de toute urgence en raison de l’état de délabrement.
L'inconfort
Au 8 Grand Place M Chauvet, artisan, en 1924, loue une maison « couverte en papier goudron […] la pluie quand elle tombait, entrait autant dans la maison que sur la Place […] »
L'hygiène
Courrier de la propriétaire : « Par suite du recul de mon immeuble sis 103 rue Méaulens, une partie du Crinchon se trouve à découvert […]. Donc gros risques d’accidents le soir, ensuite émanations permanentes infectes et très préjudiciables […] »
1. Fruchart Anthony, La Reconstruction de l’habitat urbain à Arras après la Première Guerre mondiale, p. 7
Les indemnités de dommages de guerre
Un dossier doit être constitué et déposé auprès d’une commission (cantonale jusqu’en 1923, puis d’arrondissement et départementale).
L’indemnité de dommages de guerre est établie sur une estimation fine de la valeur de la construction au 1er août 1914 ; un coefficient donne sa valeur en 1919.
L’article 12 de la loi du 17 avril 1919 dite "charte des sinistrés" sur les dommages de guerre indique qu’en matière d’édifices civils ou cultuels l’indemnité consiste dans les sommes nécessaires à la reconstruction d’un édifice présentant le même caractère, ayant la même importance, la même destination et offrant les mêmes garanties de durée que l’immeuble détruit. Cette importance et cette garantie seront déterminées - selon l’importance du dommage - par une commission cantonale ou spéciale.
Le sinistré n’est pas obligé de reconstruire : dans ce cas, soit il revend sa créance avec obligation de remploi par l’acheteur, soit il la garde.
Le remploi est défini dans un sens très large : "Le remploi a lieu en immeubles ayant la même destination que les immeubles détruits ou une destination immobilière, industrielle, commerciale ou agricole dans la commune du dommage ou dans un rayon de 50 km, sans sortir de la zone dévastée".
56 commissions cantonales de dommages de guerre sont créées dans le Pas-de-Calais, avec donc pour tâche la fixation du montant des indemnisations.
Le début des travaux d’évaluation débute le 15 octobre 1919. 1
La ville d'Arras
Lister les biens concernés par les indemnités de dommages de guerre donne l’ampleur des destructions de la ville. Un désolant inventaire dessine en creux toute une ville à reconstruire. Chacun de ces items fait l’objet d’une fiche et d’un suivi comptable :
Les indemnités de dommages de guerre concernent les consolidations souterraines, le mobilier de la bibliothèque, les archives, les grilles du Palais-Saint-Vaast, les écoles, les collèges, la caserne des sapeurs-pompiers, le matériel de pesage des Poids publics, le plan d’aménagement, les abattoirs, les abreuvoirs, l’abri du Jeu de Paume, l’amphithéâtre des Beaux-Arts, le Musée des Beaux-Arts, les appareils de service des eaux, la caserne Montesquiou, le chalet urinoir des Allées, les chemins ruraux et vicinaux, le cimetière, le commissariat de police, l’école de natation, les écuries municipales, les églises, les égouts, le réseau de distribution des eaux, le garage automobile, l’Hôtel de Ville, les instruments de pesage de l’Octroi, le kiosque des Allées, les logements des jardiniers, le magasin des pompes à incendie, le marché aux Poissons, le matériel de l’école de musique, le matériel des écoles professionnelles, le matériel des écuries municipales, le matériel des fêtes, le matériel des illuminations, le matériel des sapeurs-pompiers, le matériel de voirie, le mobilier des collèges, des écoles, des églises, de l’Hôtel de Ville, de l’octroi, les monuments du cimetière, le mur de fond de la place du marché aux Poissons, l’octroi d’Achicourt, d’Amiens, de Baudimont, de la route de Bucquoy, de Méaulens, de Ronville, du Pont Saint-Sauveur, de la rue des Rosati, le Palais Saint-Vaast, la passerelle de la Gare, les Poids publics Saint-Michel et Victor-Hugo, le puits communal des Hochettes, la salle de gymnastique, la salle des orphéonistes, les squares, jardins et plantations, les statues et monuments publics, le terrain de Thélus, le stade Degouve, la voirie (trottoirs, chaussées empierrées, pavées et bordures), les urinoirs, l’aménagement de la place de la Gare, la nouvelle mairie.
Les communes doivent justifier de l’emploi des fonds par la production d’une copie des décomptes ou mémoire des travaux.
1 Fruchart Anthony, La Reconstruction de l’habitat urbain à Arras après la Première Guerre mondiale, p. 15 et 23
dommages immobiliers | |
habitations particulières et de commerce | 6 700 000 000 |
industrie | 108 000 000 |
bâtiments communaux | 87 893 000 |
détails bâtiments communaux | |
écoles communales | 4 408 000 |
collèges communaux | 8 929 000 |
Hôtel de Ville et Palais Saint-Vaast | 38 410 000 |
édifices cultuels | 14 882 000 |
voirie, égouts, squares et autres dommages | 21 264 000 |
dommages mobiliers | |
particuliers | 162 525 000 |
industriels | 26 000 000 |
commune | 10 837 000 |
total : 1 065 255 000 francs
Le contrôle par l’administration du remploi des indemnités donne lieu à une inflation paperassière (lois, décrets, circulaires) engendrant un cadre législative complexe (ci-dessous la première page du Traité complet et pratique du paiement des dommages de guerre).
Les réparations peuvent être en nature. Ce courrier montre que l'industrie allemande souhaite participer à la reconstruction des ... brasseries !
« Les débuts de la reconstruction furent peu encourageants. Une seconde invasion menace vos pays sinistrés, moins meurtrière que la première, mais tout de même redoutable parce qu'elle favorisait trop les abus et le gaspillage : une armée de fonctionnaires venus de tous les points de France s'abattit sur les provinces du Nord et de l'Est. Elles souffrirent alors de l'excès de paperasserie et de centralisation, du défaut de méthode, de l'absence d'unité de vues et de vues d'ensemble, de la dispersion des efforts et de l'éparpillement des responsabilités ». 1
1 - Propos de Charles Jonnart en 1925, président du conseil général du Pas-de-Calais, cité dans "La Grande Guerre dans le Nord et le Pas-de-Calais", Yves Le Maner, Editions La Voix, 2014, p. 391
Le coefficient de destruction pour le calcul du taux de subvention
La synthèse que nous faisons émane d’un courrier du Ministère des Travaux publics (Service administratif des Dommages de guerre) adressé au Préfet en date du 18 janvier 1929.
Ce coefficient entre comme élément dans le calcul du taux de la subvention susceptible d’être accordée au titre de l’article 61 de la loi du 17 avril 1919.
En 1919, les Services de la Ville apportaient des corrections aux renseignements statistiques déjà fournis.
Population du dernier recensement : 21 554 au lieu de 26 080
Nombre de maisons avant la guerre : 4 281 au lieu de 4 907
Nombre de maisons complètement détruites : 1 200 au lieu de 1 311
Nombre de maisons partiellement détruites : 2 950 au lieu de 2 726
Total des maisons endommagées : 4 150 au lieu de 4 037
Proportion des maisons détruites ou endommagées par rapport aux maisons existantes en 1914 : 97 % au lieu de 80 %.
Mais ce tableau ne comporte aucune distinction entre les immeubles légèrement atteints et ceux gravement endommagés. De ce fait la proportion donnée ci-dessus n’a rien de comparable au coefficient de destruction tel qu’il doit être établi.
Le Ministère des Régions Libérées disposait avant 1924 de chiffres fournis par diverses sources : le coefficient variait de 62 à 85 %. Une demande de révision générale fut demandée en 1924.
population d'après le dernier recensement | nombre de maisons existant avant la guerre |
destruction totale 100% 80 à 100% total |
destruction partielle moins - 20 à 80% |
total général | pourcentage de destruction |
24 835 | 4 281 | 1200 | 1980 | 3180 | 129 | 841 | 4 150 | 84% |
Le courrier note que les immeubles endommagés de 80 à 100 % avaient été comptés comme complètement détruits, ce qui n’était pas conforme aux instructions ministérielles.
« Il résulte de cette manière de procéder des divergences notables entre les coefficients que vous avez proposés et ceux qui, normalement, devraient être obtenus par la méthode de calcul précitée. C’est ainsi notamment, que pour Arras, le coefficient de destruction, que vous avez fixé à 84 % devrait être ramené à 60 % ».
Un nouveau tableau est dressé, et là, le nombre de maisons complètement détruites bondit à 2 219.
L’architecte en chef du département le justifie ainsi : « à l’origine du travail d’évaluation, un certain nombre d’immeubles rasés avaient été considérés comme partiellement endommagés, du fait que les constructions en sous-sol paraissaient ré employables, alors que, depuis lors, on aurait découvert l’existence de sapes, abris souterrains, boves, carrières, etc… minant les fondations. »
Cette explication fut admise à l’époque et le coefficient de 73 % considéré comme définitif.
Puis la Ville fait une demande de révision en 1928.
immeubles détruits entièrement, y compris ceux minés par les sapes et boves (2 219 + 325) | 2 544 |
immeubles endommagés de 20 à 80% | 1 606 |
immeubles endommagés à moins de 20% | néant |
L’auteur du courrier s’étonne de l’absence complète d’immeubles détruits à moins de 20 % dans une ville étendue, où les effets des bombardements ont été très divers. Il souhaite clore définitivement ce dossier pour ne pas retarder la révision du coefficient de destruction de la Ville.
« Dans ces conditions, le coefficient de destruction d’Arras devra être calculé de la manière suivante :
nombres d'immeubles en 1914 | 4 281 |
immeubles détruits à 100% y compris ceux minés par les boves et abris souterrains (2 219 + 275) | 2 494 |
immeubles endommagés de 20 à 80% - (1606 +50 - 129) =1 527 divisé par 2 1 | 764 |
immeubles endommagés à moins de 20% (129) | néant |
[total] 3 258
Soit un pourcentage de destruction de 76 % représentant le maximum qu’il soit possible d’atteindre même en tenant compte des faits nouveaux qui ont motivé la demande de révision. »
1 - Deux immeubles endommagés sont comptés pour un immeuble détruit.
Le coefficient de destruction d’Arras indiqué est de 73 %. En 1929, il sera porté définitivement à 76 %.
STPU (Service des Travaux de Première Urgence), Commissions cantonales (chargées de contrôler les dossiers de dommages de guerre, mobiliers et immobiliers) : ces services sont sous la direction du Ministère des Régions libérées dont la majorité des bureaux est installée rue d’Amiens.
On compte 1391 employés de toutes catégories en 1920, 517 en 1927. 1
La Commission d’aménagement et d’extension des villes et villages, dépendant du Service de Reconstitution des Régions Libérées examine le Plan d'Aménagement d'Embellissement et d'Extension (PAEE).
Les services municipaux
Ils ont œuvré sous les mandatures des maires :
Victor Leroy (1919 - 1922)
Gustave Lemelle (1922 - 1929)
Désiré Delansorne (1929 - 1937)
Les services municipaux instruisent les autorisations de construire, mettent en œuvre le PAEE et son plan d’alignement.
La mairie provisoire, installée dans l'hôtel Dhainaut au 6 rue Beffara depuis 1920, face à l'importance croissante de son Service du contentieux et de l'alignement, fait l'acquisition en 1923 du petit hôtel particulier sis 4 rue Beffara, d'une surface de 7872.
1 - Gruy Henri, Histoire d'Arras, 1967, p. 261
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