Comment représenter la guerre ?
Arras, avant et après la guerre, photographies de Joseph Quentin
La fête de la Victoire à Paris
Les médailles commémoratives, le Livre d'or "Ceux de l'Artois"
Comment représenter la guerre ?
Arras ville martyre : des centaines de cartes postales différentes ont été éditées, de nombreuses institutions prestigieuses conservent et diffusent des photographies (Imperial War Museum, l’ECPAD (Agence d’images de la Défense), le Musée Albert-Kahn…). Pourtant cette interrogation est toujours pertinente : Comment représenter la guerre ? Comment représenter l’indicible pour les générations futures, l’anéantissement d’une ville, la destruction de ses maisons les plus emblématiques, de son Hôtel de Ville et de son beffroi, de sa cathédrale, de ses églises… ?
Francis Tattegrain, né à Péronne le 11 octobre 1852 et mort à Arras le 1er janvier 1915, est un peintre français de l’école naturaliste. Le général Boichut témoigne sur les circonstances de son décès :
« Le 1er janvier 1915, la palette à la main, l’illustre peintre Francis Tattegrain mourait à 63 ans, au champ d’honneur, alors qu’il reconstituait, sous les obus, l’esquisse du beffroi d’Arras. ».
Ce numéro Les Annales du 26 mars 1916 note :
« Il [Francis Tattegrain] demanda la permission d’habiter sa bonne ville d’Arras, dont il avait, dans mainte toile fameuse, représenté les splendeurs. Le général hésitait, il n’eût pas voulu exposer l’artiste sexagénaire aux risques du bombardement, aux ébranlements de la lutte toute proche. Il dut céder à des instances réitérées et qu’aucune objection ne rebutait. Lorsque Tattegrain franchit la porte de la cité, demeurée heureuse et prospère dans son souvenir et qu’il retrouvait crucifiée, il éprouva une poignante émotion. Mais, aussitôt, la passion de son métier le ressaisit. Il eut hâte de fixer sur la toile l’aspect de ces monuments écroulés, de ces rues désertes, de ces ruines augustes. Insensible aux rigueurs de l’hiver, sous la pluie, sous la neige, chaque matin, il plantait en plein air son chevalet et ne s’arrêtait qu’à la nuit close. Un jour, le pinceau lui échappa des mains. »
(collection Jean-Claude Leclercq)
Ci-dessus : les douze eaux-fortes d'Arras après la tournente d'Arthur Mayeur.
album consultable à la Médiathèque municipale
« Reims ! Tu n’es pas seule : Arras est un décombre [...] L'Hôtel de Ville est en lambeaux. Il est déguenillé tel un mendiant espagnol. »
Albert Londres, Le Matin, 17 octobre 1914
« J'ai visité hier votre ville ; vous devinez mon impression plus que pénible ; ce que j'ai vu ici est effroyable ; jamais je ne n'oublierai Arras. [...] nulle part je n'ai trouvé plus de ruines. »
Le Lion d'Arras, 30 janvier 1919. Visite à Arras le 22 janvier 1919 de Margaret Wilson, fille du président américain.
Arras est avec Reims la seule ville importante qui vécut pendant près de trois ans dans le voisinage immédiat des tranchées allemandes (le front est fixé à 1 500 mètres de la ville, dans les faubourgs Est).
La ville est considérée comme un carrefour stratégique : les Allemands vont tenter à plusieurs reprises de prendre Arras qu'ils enserrent sur les trois-quarts de son périmètre.
Elle subit les bombardements du 6 octobre 1914 au 30 septembre 1918.
Le 1er août 1914, l’ordre de mobilisation générale est déclaré.
Les Allemands font des incursions dans Arras - déclarée ville ouverte - du 31 août au 9 septembre 1914.
L’Hôtel de Ville est en feu le 7 octobre 1914, le beffroi s’écroule le 21 sous les obus allemands.
Cependant, les Allemands ne parviennent pas à prendre la ville qui forme un saillant.
Durant la bataille de l’Artois, le 26 juin 1915, la cathédrale est éventrée par un obus de 420. Les jours suivants le Palais Saint-Vaast brûle ; le feu se communique à la cathédrale.
En 1916, les troupes britanniques relèvent les Français pour défendre la ville. Les destructions perdurent en 1917 et 1918.
875 Arrageois sont tombés au front. 1
Détruite à près de 80 %, Arras est élevée au rang de Ville Martyre au côté de Reims, Verdun, Soisson.
Quelques dates :
7 octobre 1914 : l’Hôtel de Ville est en feu
21 octobre 1914 : Bombardé, le beffroi s’effondre
17 au 19 décembre 1914 : Première bataille d’Artois
9 mai au 19 juin 1915 : Deuxième bataille d’Artois
5 au 7 juillet 1915 : incendie de la cathédrale et de l’abbaye Saint-Vaast
15 septembre au 13 octobre 1915 : Troisième bataille d’Artois
Février / mars 1916 : départ des troupes françaises et déploiements des britanniques en Artois
Novembre 1916 : début des travaux de transformations des carrières Wellington en cantonnement
9 avril au 16 mai 1917 : Bataille d’Arras
21 mars au 5 avril 1918 : Opération Michael (Opération Mars le 28 mars 1918)
8 août au 11 novembre 1918 : Offensive des Cent-Jours
1 - Le Maner Yves, La Grande Guerre dans le Nord et le Pas-de-Calais, Editions La Voix, 2014, p. 295
Les ambulances d'Arras occupées
Départ de la préfecture à Boulogne-sur-Mer
Les Arrageois sous les obus en juin et juillet 1915
Le 23 février 1916 : si les Allemands connaissaient Arras
Le général Barbot "le sauveur d'Arras", est promu au grade de général le 8 septembre 1914. Il empêche les troupes allemandes de prendre Arras en octobre 1914.
« Le général [Barbot] va visiter le 159e. Le colonel Mordacq qui commande la brigade le reçoit : « Mon pauvre Mordacq, il va nous falloir évacuer Arras - Évacuer Arras ? Vous n'y songez pas ! Vous connaissez bien nos alpins, mon général : vous les avez commandés, ils tiendront. - Les ordres vont venir. C'est un grand courage que de savoir prendre ses responsabilités. Il vous faudra bien obéir. - Vous ne me donnerez pas cet ordre. Je vous défie de me le donner... » Barbot s'éloigne sur ce dialogue. La confiance de son subordonné l'a gagné, mais il revient sur ses pas quand il a fait cinq cents mètres : « Voici l'ordre : il faut que je vous le donne... » Il est le chef et doit décider. Cependant, à Haut-Avesnes, Féligonde a trouvé le général d'Urbal dans la salle à manger d'une ferme. Le général de Maud'huy, qui commande l'armée, est là. Eux aussi, ils savent prendre leurs responsabilités. Il n'y a pas de renforts, la situation paraît intenable, il ne faut pas qu'elle s'aggrave, l'ordre de retrait des forces qui sont devant Arras est dicté : la division Barbot s'organisera dans la région de Duisans. C'est l'évacuation d'Arras. Féligonde est revenu. II cherche le général. « Le général est encore une fois parti, lui dit Allegret. Il a voulu voir le 159e. Cet ordre exige une exécution immédiate. Tant pis, asseyons-nous sous cet arbre et rédigeons les ordres de repli... » Les ordres sont prêts quand Barbot rentre. Allegret lui montre l'ordre du général d'Urbal et les ordres d'exécution rédigés en conséquence. Le général en prend connaissance d'un coup d'œil. Il paraît nerveux. Il les lit, il les relit et tout à coup : « Évacuer Arras? non, non. Mordacq a raison. Nos alpins tiendront. Moi vivant, on ne reculera pas. Tenez!... » Et il déchire tous les ordres : « Allez dire aux troupes que tout va bien, très bien. Dites-leur qu'Arras est confié à leur honneur, que ces chiens n'y entreront pas. Mordacq sera content. Ou plutôt attendez : j'irai moi-même... » Et le voilà reparti. Arras sera sauvé. Arras est sauvé... » 1
« En tout cas la résistance opiniâtre des Alpins pendant ces quatre journées de bataille a brisé le ressort des Allemands. Ils sont à bout de souffle. Ils voient décidément qu’ils ont manqué leur manœuvre et qu’il n’y a rien à faire pour enlever de vive force la capitale de l’Artois. Ils vont donc recourir à la guerre de siège, c’est-à-dire à la guerre de tranchées.
La guerre de tranchées
Donc, le Boche est arrêté : il ne passera pas, c’est la fin de la guerre de mouvement ; commence alors la guerre de tranchées, un nouveau genre que l’on envisageait pour l’hiver, mais pour l’hiver seulement. Qui eût dit en effet, à ce moment, que ce nouveau genre de lutte allait se prolonger pendant trois autres hivers ! […]
Conclusions
Mais cet ouvrage a montré – du moins je l’espère – que si, en octobre 1914, Arras a résisté aux furieux assauts des meilleures troupes allemandes, il le doit surtout au général Barbot et à ses chers Alpins. C’est bien lui, en effet, qui, malgré les ordres primitifs de l’autorité supérieure, a maintenu ses troupes dans la ville, assumé toutes les responsabilités de la défense, sauvé ainsi la vieille cité artésienne et, par suite, empêché très probablement les Allemands d’atteindre leur but : les côtes de la mer du Nord et de la Manche. […] » 2
1 - Récit d'Henry Bordeaux, Un coin de France pendant la guerre, Le Plessis-de-Roye, 2 août 1914 - 1er avril 1918 (cité sur Wikipédia, page Henri Mordacq - : Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0. Source : Article Henri Mordacq de Wikipédia en français (auteurs) ).
2 - Général Henri Mordacq, Pourquoi Arras ne fut pas pris (1914), Plon, 1934, p. 215 et suivantes
Monument à la gloire de la division Barbot.
Le 159e Régiment d'Infanterie Alpine
En 1914, le front s'installe à l'intérieur du cimetière d'Arras. Les tranchées sont érigées au milieu des tombes et des chapelles. (Source : archives départementales du Pas-de-Calais, prise de vue Paul Queste) - Artilleurs britanniques mettant un canon de campagne en position, 1917 (source : albums Valois / La Contemporaine) - Ce plan de 1919 permet de situer le cimetière. (plan au 1/5000e, détail, source : archives municipales)
Des barricades sont érigées, des défenses, travaux de protection, fils de fer barbelés établis. (source : collection privée - Médiathèque municipale - albums Valois / La Contemporaine)
Le conflit dans la presse (en 1914 et 1915)
Les derniers bombardements d'Arras. Journal Le Lion d'Arras, 3 et 17 octobre 1918.
La Bataille d'Arras est une offensive qui eut lieu entre le 9 avril 1917 et le 16 mai 1917. Elle est considérée comme la plus grande attaque surprise de la Première Guerre mondiale. Cette bataille a majoritairement concerné des soldats du Commonwealth venus des cinq continents.
Elle est conçue comme une offensive de diversion pour soulager une action principale dans le secteur français du Chemin des Dames. Dès novembre 1916, l'état-major britannique prépare l'offensive du printemps 1917. Ce qui fait l'originalité du plan d'attaque d'Arras est l'aménagement et l'utilisation des nombreuses carrières souterraines comme moyen de progression jusque la première ligne adverse.
Au cours du 2e semestre 1916, la compagnie des Tunneliers néo-zélandais, constituée d'un peu
moins de 500 hommes (on compte aussi 43 tunneliers d'origine maorie), s'est vu confier la tâche d'aménager les carrières pour la préparation de la Bataille d'Arras. Choisis pour leur savoir-faire, ils ont créé un réseau souterrain d'une vingtaine de kilomètres qui débouche devant les lignes allemandes.
(photo ci-contre : L'entrée principale du réseau dite "Porte de fer" située au 3 de la rue du Saumon est réalisée le 14 février 1917)
Hommes de la New Zealand Tunnelling Compagny. (fonds documentaire Alain Jacques) - Membres des Gordon Higlanders dans un réfectoire souterrain dans la ferme de « Les fosses » près d’Arras le 7 mars 1918. Le réfectoire est siuté dans une carrière à 20 mètres sous terre. (Imperial War Museum Q 10713)
A la veille de la bataille d'Arras, les caves et carrières pouvaient héberger plus de 24 000 hommes dont 13 000 dans le secteur des places.
Cette ville sous la ville a permis de préserver de nombreuses vies humaines lors de l'assaut du 9 avril 1917.
Peter Jackson, le célèbre réalisateur néo-zélandais (la trilogie Le Seigneur des anneaux) est un ambassadeur des carrières Wellington. A quand un film sur la bataille d'Arras, la longue tragédie de la Ville martyre, sa magnifique et vaillante renaissance ? Son film Pour les soldats tombés est sorti en salle en juillet 2019.
Liens :
Visionnez le film The retreat of the Germans at the battle of Arras
(Vous trouverez les cartons suivants au temps indiqué : La gare d’Arras et ses lignes de barbelés le long des rails – le premier train arrive en gare d’Arras après deux ans d’absence – les cuivres et les percussions des Gordons célèbrent l’événement : 35’ 12 ; Explosions d’obus allemands à Arras qui fut retrouvée en ruines – l’intérieur de la cathédrale détruite par les Allemands : 1 h 00’ 25).
Deux sites remarquables sur les tunneliers néo-zélandais : L'appel du pic et de la pioche - Les Kiwis aussi creusent des tunnels
Vies souterraines à Arras : le quotidien des soldats du Commonwealth, par Alan Jacques
La préparation de la Bataille d'Arras
La carrière Wellington, Mémorial de la Bataille d'Arras
Regards de la Bataille d'Arras : 120 portraits de la Grande Guerre
Dossier pédagogique : Regards de la Bataille d'Arras, par Delphine Dufour
La prise de la crête de Vimy par les Canadiens
Le billet de 20 dollars canadien représente le Monument commémoratif du Canada à Vimy. (En 2013 le 9 avril est nommé officiellement Jour de la bataille de Vimy)
Le Centenaire de la Bataille d'Arras
Carte de la Bataille d’Arras, printemps 1917, échelle 1 : 40 000, 89 sur 56 cm. (source : Europeana collections / BNF, département Cartes et plans)
Cartes postales en allemand, photographies allemandes. (source : archives départementales du Pas-de-Calais, collection Georges Bacot)
Etat des lieux au Conseil municipal du 15 novembre 1918 : sur 4907 bâtiments (4421 maisons et 486 immeubles) 1311 sont ruinés, 1227 partiellement détruits, 1499 endommagés et 870 seulement à peu près intacts. 1 (pourcentage de bâtiments détruits : 82 %. Il sera par la suite fréquent d’évoquer un coefficient de destruction de 85 %. Mais ce pourcentage sera revu à la baisse).
Tous les édifices publics (exceptée l’Ecole des Beaux-Arts, sise 14 bis rue de l’Arsenal, l’actuelle rue Aristide-Briand) sont ruinés. Il en est de même pour les établissements industriels qui occupaient environ 2000 ouvriers.
Le vote de la loi du 17 avril 1919 dit "charte des sinistrés" organise le régime des indemnités de dommage de guerre et proclame le droit au remboursement des dommages constatés. Le principe général est celui de l'égalité et de la solidarité nationale. Elle institue à cette fin des commissions d’évaluation des dommages de guerre.
1 « Le Lion d’Arras » n° 118
Ces cartes postales décrivent le long calvaire vécut par les Arrageois. Une énumération de noms de rues meurtries ; pas un quartier de la ville n'est épargné... (source : collection Noël-Jean Plouhinek).
Le préfet du Pas-de-Calais, Briens, évoque en ces termes – devant les conseillers généraux réunis le 16 avril 1917 - sa récente visite dans les régions reconquises de l’Artois : « Sur toute l’étendue de l’ancienne ligne de feu, sur une profondeur de plusieurs kilomètres, entre Arras et la limite sud-ouest du département, on ne rencontre que la dévastation et la mort ; aucun habitant n’y est demeuré ; des champs bouleversés dont la matière crayeuse recouvre la surface sillonnée de tranchées profondes, hérissée de débris de fil de fer, semée d’éclats d’obus, de projectiles non éclatés ; des troncs d’arbre déchiquetés, des chemins défoncés forment un chaos innommable ; de-ci de-là, quelques pans de murailles, des fragments d’armatures de fer tordues, des chevrons de bois aux trois quarts brûlés gisent pêle-mêle dans une affreuse confusion, indiquant les assises de bourgs anéantis ; aucune rue, aucune place ne sont reconnaissables ; seuls quelques croix, épargnées par les bombes et les vandales, rappellent des lieux de sépultures anciennes, tandis que des tertres fraîchement remués recouvrent des cadavres nouveaux ; de plusieurs agglomérations, il ne reste rien ; il faut savoir où elles étaient situées pour se rendre compte de ce qu’elles étaient naguère ; pas le moindre morceau de pierre, de brique ou de torchis pour révéler leur emplacement : tout a été pulvérisé. Au milieu de ce cataclysme, une sensation de cauchemar vous étreint atrocement, les yeux restent grands ouverts, les lèvres muettes. » 1
« Sur un total de 152 792 hectares de terres atteintes par les événements de guerre, appartenant à 260 communes, la surface agricole (labours, herbages) se montre à 138 082 ha. Dès 1919, une commission spéciale dresse une carte classant les terres ravagées en trois catégories : en jaune, celles que l'on peut remettre en culture après des travaux légers de reconstitution du sol ; en brun, celles qu'il est possible de remettre en culture après des travaux considérables ; en orange, celles pour lesquelles il faut envisager l'abandon momentané ou définitif de la culture. » 2
1 - Cité dans Les Réfugiés français de la Grande Guerre, Philippe Nivet, Edition Economica, 2004, p. 457
2 - La Grande Reconstruction, reconstruire le Pas-de-Calais après la Grande Guerre, Archives départementales du Pas-de-Calais, 2000, p 163
Arras décorée de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre, de la Croix de guerre tchécoslovaque et de l'Ordre militaire de la Tour et de l'Epée
La Légion d'honneur et la Croix de guerre
La reconnaissance de la ville martyre a lieu le 28 décembre 1919 lorsque le président Poincaré vient dans les ruines d'Arras pour décorer Arras de la Légion d'honneur et de la Croix de guerre.
La citation de la ville d'Arras à l'ordre de la Nation est : "Ville fière et vaillante, déjà témoin de luttes nombreuses, vient d'ajouter de brillantes pages à son passé de gloire. Placée au pivot des opérations offensives des armées de l'Artois, a supporté pendant quatre ans avec un patriotisme admirable tous les dangers de la bataille sans précédent qui se déroulait à ses portes.
Ruinée, presque anéantie, n'a pas désespéré et, sitôt délivrée, s'est mise au travail avec une admirable ardeur."
La publication au Journal Officiel de cette citation a lieu le 30 août 1919.
Cette reconnaissance est précédée par la remise de la Croix de guerre aux membres du conseil municipal.
Les personnalités sur l’estrade sont, de gauche à droite : Alexandre Ribot, le maréchal Pétain, le président Poincaré, Victor Leroy, maire d’Arras, Louis Boudenoot, sénateur (source : Gallica, agence Rol ; dernière photo, collection Jean-Claude Leclercq)
Décret d'attribution de la croix de la Légion d'honneur, discours du Présient de la République à Arras
"Non, pas une ville de France n'a plus qu'Arras mérité de la Nation ; et, si je ne craignais de paraître vouloir déprécier VERDUN, je vous dirais tout de suite : PAS UNE VILLE n'est plus GLORIEUSE qu'ARRAS... Arras, Verdun... Ce sont les deux plus nobles des Villes martyres... Permettez-moi d'évoquer parmi vous ce grand nom de Verdun, puisqu'à Verdun même, j'ai, l'autre jour, évoqué le nom d'Arras..."
Paroles de M. Clemenceau à Arras, le 10 août 1919
Jusqu'à présent, 70 villes et villages ont été décorés de la Légion d'honneur, la plupart pour faits de guerre.
Villes des Hauts de France décorées en 1919 : Arras (30 août 1919), Bapaume (10 octobre 1919), Béthune (5 décembre 1919), Cambrai (13 septembre 1919), Douai (13 septembre 1919), Dunkerque (9 août 1919), Lens (30 août 1919).
La Croix de guerre tchécoslovaque
Pour en savoir plus sur les Légions tchécoslovaques durant la Première Guerre mondiale.
Mémorial de la Compagnie Nazdar et cimetière tchécoslovaque Neuville-Saint-Vaast
Quant à la dénomination de la place de Tchécoslovaquie, elle est actée lors du Conseil municipal du 14 juin 1939, en marque de soutien à cette nation envahie par les troupes allemandes le 15 mars 1939.
L'Ordre militaire de la Tour et de l'Epée
Le 9 avril 2018, le Premier Ministre de la République du Portugal était de passage à Arras pour remettre à la ville l’Ordre militaire de la Tour et de l'Épée. Cette décoration, attribuée en 1935, ne lui avait jamais été officiellement remise.
Rappel historique :
Le Portugal entre en guerre en mars 1916. Le Corps Expéditionnaire Portugais, plus de cinquante mille hommes durant toute la guerre, combat dans les tranchées du nord de la France d'avril 1917 à avril 1918. Le 9 avril 1918, Il est engagé dans les terribles combats de la Lys où il perd 7 800 hommes.
Des troupes portugaises sont stationnées à Arras, et certains soldats reçoivent une formation de la part d’officier britanniques du Royal Garrison Artillery.
C’est en souvenir de ce passage que l'Ordre militaire de la Tour et de l'Epée est attribué à la Ville en 1935. Cet ordre est la plus haute distinction honorifique portugaise. Il est décerné pour des actes d'héroïsme ou pour récompenser des actes d'abnégation et de sacrifices pour le Portugal ou pour l'humanité.
En retour, en 1953, à l’occasion de la visite d’une délégation d’anciens combattants portugais à Arras, la ville décernera le titre de citoyen d’honneur de la ville à deux officiers commandant les troupes portugaises en 1918 : le Général Ferreira-Martins et le Colonel Bento-Roma.
Citation en date du 29 avril 1935
Le Président de la République portugaise, sur proposition du ministre de la Guerre, compte tenu de la sympathie des habitants de la région d’Arras pour les troupes portugaises qui prirent part à la Grande Guerre, et pour l’affection portée à nos morts et au souvenir de leur sacrifice de la part d’une des plus grandes des villes françaises, confère à la ville d’Arras le rang de chevalier de l’Ordre Militaire de la Tour et de l’Epée.
Car c’est dans la région d’Arras que, pendant la Grande Guerre, les troupes portugaises se sont exercées la majeure partie de leur temps, la population de cette ville a toujours traité les mêmes troupes avec des manifestations de grande affection.
Car c’est là que reposent la plupart de nos soldats tués dans la Grande Guerre, et bientôt ils seront tous enterrés au cimetière de Richebourg l’Avoué.
Parce que la Mairie de la même ville manifeste, chaque fois que l’occasion se présente, son appréciation pour nos soldats,
Et enfant parce qu’Arras était l’une des villes françaises qui a le plus souffert de la guerre et a été presque complètement détruite, et mérite donc la distinction proposée, à l’instar de ce qui a déjà été fait par d’autres pays alliés, qui, en reconnaissant son sacrifice lui ont accordé des distinctions identiques.
salle des fêtes de l'Hôtel de Ville, 9 avril 2018.
Louis Lantoine, consul du Portugal à Arras
La fête de la Victoire à Paris
A l'issue du conflit, la fête nationale du 14 juillet 1919 devient la fête de la Victoire. Sur les Champs-Elysées défilent les mutilés, les maréchaux Joffre et Foch, toutes les armées alliées et enfin les troupes françaises qui ferment la parade militaire. Cette fête amène une foule immense sur la grande avenue.
L'administration des Beaux-arts, chargée de la décoration, transforme l'Axe Concorde-Étoile en une Voie Triomphale, avec une mise en scène "à l'antique", urnes embrasées dédiées aux villes martyres et coqs gaulois perchés sur des cascades de canons allemands, mats, oriflammes, écussons, pylônes, guirlandes de feuillage..
Cette fête donne une reconnaissance officielle au statut d'Arras comme ville martyre de la Grande Guerre au côté de Reims, Soissons et Verdun.
« Au rond-point des Champs-Elysées s'élèvent quatre autels en hommage aux villes martyres dédiés à Verdun, Reims, Arras et Soissons. Les faces principales et postérieures portent les blasons armoiriés et les faces latérales des motifs de sculpture en bas-relief. Au sommet est un grand foyer d'où s'échappent des flammes. »1
Sous le nom d'Arras la date "1915" est inscrite : elle renvoie aux combats de Carency et de Notre-Dame-de-Lorette.
1 - Weiss, La ville de Paris et les fêtes de la Victoire, Imprimerie nationale, Paris, 1920, cité dans Arras, ville de l'arrière front pendant la Première Guerre mondiale, Laurent Wiart, p. 90.
(source : Gallica)
Les médailles commémoratives, le Livre d’or Ceux de l’Artois
Quatrr médailles furent réalisées pour commémorer la ville martyre.
🔵 La première médaille fut exécutée en 1917 en l'honneur des défenseurs d'Arras. Elle représente sur son avers le lion d'Arras brandissant la bannière d'Artois ; comme un clin d'oeil à l'Histoire, trois rats sont représentés sur le socle sur lequel se dresse le lion. En exergue la mention suivante est gravée : "HONNEUR AUX DEFENSEURS D'ARRAS".
Sur le revers, l'Hôtel de Ville et le beffroi sont représentés en ruines. On peut lire "HONTE AUX VANDALES". Arthur Mayeur signe cette médaille. Il a notamment illustré l'entête du journal Le Lion d'Arras.
Vendue à 10 000 exemplaires (en or en argent et en bronze), cette médaille participe à la reconstruction du Palais-Saint-Vaast.
Une autre médaille fut gravée ultérieurement : elle est de dimension plus importante (6 cm de diamètre) et mentionne les dates "1914 - 1918".
revers "1914 - 1918"
Cette plaquette fut exécutée par M. Rasumny. Le journal Le Lion d’Arras, dans son numéro 160 du 2 octobre 1919, note : « Au revers, une inscription latine [Le fier lion héraldique, frappé par les coups des Allemands, tomba invaincu] rappelle que si ce fier symbole de la ville d’Arras, fut abattu, du moins il ne fut pas vaincu, puisque les Allemands ne purent forcer le front et entrer dans la ville. Si l’on additionne les nombres donnés par les lettres en grands caractères, et qui ont une valeur comme chiffres romains, on a comme total 1914, date de la destruction du beffroi. »
🔵
🔵 En 1925 la Monnaie de Paris grave une médaille (diamètre : 68 mm) ciselée par Louis Desvignes : « Avers. La ville d'Arras, appuyée sur son blason. Derrière elle, les ruines fumantes des maisons et des monuments ainsi que les ébréchures de l'écu attestent des souffrances de la ville. A l'exergue, ARRAS - 1914-1918. Revers. L'Hôtel de Ville en flammes. A l'exergue, le texte de la citation du 30 août 1919 entoure les armoiries d'Arras, ornées de la croix de la Légion d'Honneur et de la croix de guerre : ville fière et vaillante... / a supporté / pendant plus de quatre ans / avec un patriotisme admirable / tous les dangers / de la bataille sans précédent / qui se déroulait / à ses portes. [le tout en majuscules] »1
1 - Catalogue des médailles de la Monnaie de Paris, cité dans Arras, ville de l'arrière du front pendant la Première Guerre mondiale, Laurent Wiart, mémoire de maîtrise, 1996, page 97.
🔵 La Médaille commémorative d'Arras 1914-1918 fut éditée en 1936 et tirée à 5 000 exemplaires. Elle est l'oeuvre du sculpteur parisien P. Bouvier. L'avers représente un soldat français et un soldat britannique en position de défense, unis dans la défense d'Arras, sur un fond de ruines. Le revers montre le Lion d'Arras se dressant et protégeant l'Hôtel de Ville et le beffroi, terrassant l'aigle germanique. L'exergue des deux faces est : "ARRAS" et "1914-1918". C'est une médaille de table : elle ne présente aucun système de fixation.
La délibération en date du 28 mai 1936 précise : "Ces médailles seraient, bien entendu, vendues aux amateurs et plus particulièrement aux anciens Combattants qui ont lutté dans cette région [...]."
Le Livre d'or "Ceux de l'Artois"
Le 2 octobre 1954 est fondé le Comité national des anciens défenseurs d’Arras et de l’Artois dénommé « Ceux de l’Artois ». Fortuné Marmont est le président, son siège se situe à Marseille. La reconnaissance de la médaille d’Arras est obtenue en 1956, le Comité en assure la vente.
Il est décidé de transformer la médaille de table de 1936 (en réduisant sa taille) en médaille portable délivrée en même temps qu'un diplôme donnant lieu à inscription sur un livre d'or. Elle doit honorer tous ceux, Français ou Alliés, qui ont combattu dans l'Artois et pour la défense d'Arras entre 1914 et 1918. Elle peut être décernée à titre posthume.
Les anciens combattants doivent transmettre leur demande d’achat et justifier de leur participation aux combats d’Artois. (coût : 5 francs en 1961, 5000 récipiendaires).
Suite à la proposition de monsieur Marmont, un Livre d’Or des anciens combattants d’Artois est constitué et remis à la Ville. La cérémonie se déroule à l’Hôtel de Ville le 10 juin 1962.
premières pages du Livre d'or "Ceux de l'Artois" conservé aux archives municipales
Marseille et Newcastle, les villes marraines d'Arras
Marseille
Le conseil municipal de la ville de Marseille, lors de la séance du 5 novembre 1918, choisit, parmi les villes libérées, Arras comme filleule. Un don de 900 000 francs fut affecté pour l’aider « dans son œuvre de reconstitution et d’assistance ».
Les fabricants d’huile marseillais firent « don aux populations des régions d’Arras et de Lille de 15 000 kilos d’huile comestible. »
Par une délibération en date du 19 octobre 1932, la place Vauban prit le nom de place de Marseille.
En 1942, Marseille proposa à cent vingt jeunes arrageois un séjour à la colonie de vacances de Buoux.
Le projet de création du boulevard de Marseille.
Nous vous proposons une sélection de documents provenant des archives municipales.
Journal Le Lion d'Arras n° 133 (27 mars 1919) consacré à Marseille.
Newcastle Upon Tyne
Au lendemain de la Grande Guerre, les familles revinrent reconstruire dans les ruines leur foyer détruit. De nombreuses personnalités anglaises et américaines, venues visiter les champs de bataille, s’émurent de cette détresse dont elles firent part à leur retour. Ce fut le départ d’un élan international de solidarité. Des comités se formèrent ici et là. Les troupes britanniques avaient aussi localisé les communes où s’étaient déroulés les combats les plus sanglants. Ce souci allait permettre au comité France-Grande-Bretagne d’apporter des aides mieux adaptées. C’est aussi que naquit la British League of Help et dès que son comité central fut constitué, la cité industrielle de Sheffield réunissait son conseil municipal pour annoncer, le 14 juillet 1920, sa décision d’adopter la commune de Bapaume. Newcastle Upon Tyne allait faire la même démarche en faveur d’Arras qui reçut de sa ville partenaire une importante somme d’argent. Dans un discours que prononça lors de la réception de la délégation d’Arras à Newcastle en juillet 1929 le député Lemelle, on peut apprendre qu’un comité avait été créé à Arras, présidé par le maire pour décider de l’attribution des fonds reçus. Les dons successifs s’élevaient globalement à 567 363,70 francs de l’époque. Ces sommes furent réparties entre différents organismes sociaux comme le bureau de bienfaisance, l’orphelinat, ou encore l’office public des habitations à bon marché. La ville de Newcastle patronna également la construction de 21 maisons sur le modèle de ce qui se faisait chez elle. C’est ainsi que le nom de la ville anglaise, en remerciement, allait être donné à une impasse qui partait de la rue d’Amiens vers le cimetière militaire britannique. Mais lorsque naîtra une grande artère à double sens entre les boulevards Vauban, Crespel et la rue d’Amiens, elle sera baptisée du nom du Général de Gaulle. Il ne reste ainsi plus trace à Arras de cette ville de Newcastle qui avait été notre marraine de la reconstruction.
Arras Actualités, n° 135, octobre 1999
Nous vous proposons une sélection de courriers et de documents conservés aux archives municipales :
Une délégation de Newcastle visita Arras en août 1920. Nous avons sélectionné les photographies composant le livret à cette occasion.
Une délégation arrageoise visita Newcastle en octobre 1920. Nous publions le programme de la journée du 25 octobre et le menu de la journée du 26 offert à la délégation arrageoise.
Une délégation arrageoise se rendit de nouveau à Newcastle en 1929. Un livret fut édité à cette occasion.
Philadelphie, ville marraine : la fausse nouvelle.
Les Arrageois y ont cru quelque jours... Replongeons-nous dans Le Lion d'Arras !
Le maire : Emile Rohard (1840 - 1922)
Elu Maire d'Arras en 1912 sous l'étiquette du parti Radical socialiste, Emile Rohard est l'héroïque maire de la ville martyre. Agé et malade, il est fait prisonnier lors de l'occupation allemande de septembre 1914. Libéré, il reste dans la ville malgré les bombes et continue inlassablement de veiller aux intérêts de la cité et de ses habitants. Evacué en mars 1918, il renvient dans la ville dès avril 1918 où il reprend ses fonctions.1
Il est décoré de la Légion d'honneur le 4 mai 1916 par MM. Ribot, ministre des Finances, et Malvy, ministre de l'Intérieur, en présence de 200 Arrageois.
1 - Texte de l'exposition "Commémorer la Grande Guerre"
Le 4 mai 1916, décoration du maire d'Arras
Mais quelle orthographe : Rohard, Rohard-Courtin, Rohart-Courtin ?
Les actes de naissance et de décès ne laissent apparaître aucune ambigüité, comme dans la presse de l'époque :
Les actes officiels, ci-dessous en exemple les mentions d'un acte de naissance, indiquent l'orthographe correcte :
Puis nous vîmes accoler à son nom le nom de naissance de son épouse : Emile Rohard-Courtin... orthographié aujourd'hui en Rohart-Courtin (liste des maires d'Arras sur Wikipédia, nom de la rue d'Arras qui l'honore). Rue qu'il conviendrait donc de dénommer "rue Emile-Rohard" !
Il est nommé préfet du Pas-de-Calais en 1911, poste qui le marquera profondément au regard de sa durée d’exercice mais surtout en raison du contexte de la Première Guerre mondiale.
Le 6 septembre 1914, jour de l’entrée des troupes allemandes dans Arras, le préfet Briens, qui refuse de quitter la ville, est fait prisonnier sur parole. Il est laissé libre sur l’assurance qu’il donne de ne pas sortir du lieu qui lui est désigné.
Le président Raymond Poincaré le nomme commandeur de la Légion d’Honneur le 14 octobre 1916 lors d’un déplacement dans le département pour son attitude exemplaire au moment de l’invasion : « N’a cessé depuis le jour où a commencé le bombardement de la ville d’Arras, de donner à la population l’exemple du calme et du courage. »
Durant le conflit, il doit, dans des circonstances exceptionnelles, assurer la continuité des services de l’Etat, protéger les populations et soutenir leur moral.
Epuisé et souffrant d’une grave affection à la gorge, il se retire à Paris à partir de la fin février 1918.
Léon Briens meurt en fonction le 29 mai 1918. Robert Leulier le remplace temporairement avant d’être nommé définitivement en août 1918. 1
Le Préfet du Pas-de-Calais Léon Briens. (source : Musée des Beaux-Arts d'Arras, photographie de Joseph Quentin)
29 mai 1918 : mort de Léon Briens, préfet du Pas-de-Calais
1 - texte du livret « La préfecture du Pas-de-Calais dans la tourmente de la Première Guerre mondiale », 2018, p. 8
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