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La Grande Reconstruction, Arras, ville nouvelle !

La Grande Reconstruction, Arras, ville nouvelle !

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La Maison Bleue

La « Maison bleue » devait son nom à un revêtement en faïence bleue cobalt qui ornait sa façade à la reconstruction.

Reconstituer son historique nous permet d'entrevoir les différentes pièces qui constituent les dossiers des archives municipales et la complexité de la Grande Reconstruction.

Situé 28 place du Théâtre, cet immeuble était la propriété de Mademoiselle Clairet et avait avant la Première Guerre mondiale pour enseigne : « Au Coin de la rue, draperies et confections ».

 

vers 1900 (source : archives départementales du Pas-de-Calais)

 

La Maison Bleue après le conflit. (collection Frédéric Turner)

 

Le Lion d'Arras n° 143, 5 juin 1919.

 

Arrêté du Maire du 25 juin 1920

La maison n° 28 place du Théâtre menace ruine et peut par son effondrement compromettre la sécurité publique si elle n’est pas promptement démolie.

Il est enjoint à Mademoiselle Marie Clairet, demeurant à Wimereux, de la faire démolir dans un délai de 10 jours.

 

La propriétaire demande le 15 mars 1921 l'autorisation d'installer un baraquement.

source : archives municipales

 

plan du baraquement La Maison Bleue. Il mentionne l'emploi de fibro-ciment et de sapin brut. (source : archives municipales)

 

Le Pas-de-Calais Libéré, 12 mai 1921

 

Baraquement de la Maison Bleue, 1922. (source : Médiathèque municipale)

Courrier en date du 27 août 1924

Les dommages de guerre s’appliquant au 28 et 24 place du Théâtre s’élèvent à 109 705 francs.

Les caves ne furent pas payées par la Commission cantonale. (valeur vénale : 1 049,40 francs)

La somme nécessaire pour mettre les fondations à l’alignement s’élèvent à 979,40 francs. (fouilles en rigoles et maçonnerie en fondations).

La somme à payer à Mademoiselle Clairet comprenant l’achat des fondations se trouvant sur l’emprise ainsi que celle nécessaire pour les mettre à l’alignement est de 2 028 francs (1049 plus 979).

Cet immeuble est rasé jusqu’à hauteur du parquet du rez-de-chaussée.

 

Dossier d’expropriation en date du 27 août 1924, par les experts du Service technique de la Ville

L’emprise est de 16 m2. (3,10 mètres à droite et 3 mètres à gauche).

Cette emprise permet d’utiliser le terrain subsistant et on ne doit pas envisager l’expropriation totale.

Valeur des constructions subsistant sur le terrain d’emprise : 1 100 francs.

Somme nécessaire pour adapter l’immeuble au nouvel alignement (construction d’une nouvelle façade, remaniements intérieurs. Cette estimation ne doit comprendre que les travaux strictement nécessaires et imputables à l’alignement. Elle doit exclure en particulier le montant de tous travaux dont l’exécution aurait été nécessaire même si l’immeuble n’avait pas été aligné) : 1400 francs

 

Jugement d’expropriation notifié le 13 février 1925 à Mme Veuve Arthur Stein

Autorisation d’édifier un baraquement à étage en mars 1921.

Mme Stein s’est engagée à enlever son baraquement sans aucune indemnité dès que la Ville manifesterait le désir de réaliser l’alignement projeté.

L’immeuble est complètement démoli et peut être rebâti avec des dispositions toutes nouvelles et même plus commodes avec l’indemnité de dommages de guerre. La Ville laisse à l’expropriée la totalité de cette indemnité et si la surface du futur immeuble sera diminuée, sa valeur du fait que toute l’indemnité de l’ancien immeuble est disponible, ne sera pas elle diminuée. L’expropriée touche d’autre part une indemnité correspondant à la valeur du terrain d’emprise estimée à cet endroit 250 francs le m2.

15 m2 81 à 250 f = 3952,50 francs.

Si l’expropriée prétend à une impossibilité de continuer le commerce, la Ville offre d’acheter la totalité du terrain, c’est-à-dire y compris le pas de porte, pour le prix payé par Mme Stein en 1923, soit 35 000 francs. Madame Stein restant propriétaire du fonds de commerce qu’elle pourra réinstaller ailleurs.

L’immeuble a été considéré aux dommages de guerre comme entièrement ruiné, y compris les fondations. L’indemnité accordée, 171 453 francs pour les 24 et 28 Place du Théâtre (somme différente de celle du courrier du 27 août 1924) représente pour toute la surface (114 m2) une somme de 1 500 francs le m2, somme plus que suffisante pour rebâtir un immeuble analogue à celui existant avant-guerre, même sur la surface ancienne. Madame Stein conserve la libre disposition de ces 171 453 francs de dommages de guerre (qu’elle a acheté 65 000 francs soit à 38 %). Etant donné que l’immeuble est entièrement détruit et payé par dommages de guerre, nous ne voyons pas quelles peuvent être les constructions dont Mme Stein requiert l’expropriation totale.

[…]

D’autre par l’achat fait en 1923, en pleine connaissance des projets de la Ville ne peut être retenu comme donnant droit à indemnité.

Offre de la Ville : 3 960 francs

 

Jugement du tribunal civil de première instance de l’arrondissement d’Arras du 26 octobre 1925

L’indemnité due à Mme Stein est fixée à la somme de 40 648 francs, attendu que la Ville n’a pas répondu à la demande d’expropriation totale des bâtiments.

(A. M. d’Arras, jugement n° 95, première série d’expropriations)

Le procès-verbal d’audience

Maitre L. avocat au nom de Mme Veuve Stein expose succinctement les motifs sur lesquels se fonde la demande d’une somme de 165 855 francs. Le jury se déclarant suffisamment édifié, nous prononçons la clôture des débats.

 

Courrier de l’architecte Georges Trassoudaine en date du 16 juin 1925

J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint avec les plans en double exemplaire, la demande en autorisation de bâtir concernant la construction de Madame Veuve Stein.

 

Autorisation de construire : en date du 3 juillet 1925

 

Commission des travaux, séance du 13 août 1925.

Le pan coupé n’est pas demandé par la Ville et n’existe pas au plan d’alignement.

la Maison Bleue est à l’angle de la rue Saint-Aubert et de la place du Théâtre. (source : archives municipales)

 

La Ville ne peut dans ces conditions acheter le terrain correspondant au pan coupé.

Si Madame Stein faisait l’abandon de son terrain, il n’y aurait pas lieu de lui faire payer de droits de voirie pour son balcon.

Toutefois, ce balcon ne devra pas dépasser les saillies permises par le règlement de voirie.

 

Courrier de Georges Trassoudaine, architecte, en date du 16 février 1926

Comme convenu je vous adresse ci-joint le rectificatif de l’angle Saint Aubert, Place du Théâtre, la partie hachurée rouge figure la portion de terrain abandonnée à la Ville d’Arras par Madame Veuve Stein.

 

28 place du Théâtre, La Maison Bleue. Georges Trassoudaine, architecte, 1925. (source : archives municipales)

 

28 place du Théâtre, La Maison Bleue. Georges Trassoudaine, architecte, 1925. (source : archives municipales)

 

Par ailleurs les dossiers des Archives Départementales du Pas-de-Calais nous apprennent que : « les travaux furent réalisés par l’entrepreneur général de béton armé Albert Deneuville et l’entrepreneur Edouard Delamotte, serrurier d’art et de bâtiment. Les travaux furent achevés en 1931, date du procès-verbal de réception définitive. Désigné sous l’appellation de Maison bleue, cet immeuble de commerce resta dévolu à la confection durant la première moitié du 20e siècle » (Marie George, Inventaire général du patrimoine culturel (site Mérimée), Archives départementales du Pas-de-Calais, série 2 O 390 /1)

 

(collection privée)

 

(collection privée)

 

 

Notre synthèse :

Cet immeuble est rasé en 1920. Un baraquement à étage est édifié en mars 1921.

Concernant l’alignement et l’expropriation de la surface d’emprise, la Ville fait une offre à Mme Veuve Stein d’une somme de 3 960 francs pour la dépossession d’une parcelle de terrain de 15 m2 81. La propriétaire requiert l’expropriation totale et demande la somme de 165 855 francs. (Malheureusement, nous n’avons pas connaissance de l’argumentation qui fonde cette demande). Le jury accorde la somme de 40 648 francs.

L’autorisation de construire déposée par l’architecte Georges Trassoudaine est accordée en 1925. Les travaux sont achevés en 1931.

 

2017

Les faïences, les médaillons du trumeau, la ferronnerie du garde-corps ont disparu.

Faisons un vœu ! Que la Maison bleue soit restaurée telle qu’elle était lors de sa construction et selon les plans de l’architecte Georges Trassoudaine et qu’elle retrouve ainsi tout son éclat !

 

Sur cette carte postale de 1956, la Maison bleue se parait encore de sa marquise, de ses bas-reliefs, de son garde-corps Art déco... (source : collection privée)

 

 

La Maison Bleue fut tenue par une famille de commerçant dans laquelle naquit Denise Glaser, le 30 novembre 1920, célèbre productrice et présentatrice de télévision, particulièrement connue pour l’émission musicale Discorama.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale en raison de leur judéité, ses parents virent le magasin confisqué et aryanisé. De 1942 à 1944, il devint le siège de la Deutsche Werbestelle, office qui géra le Service du Travail Obligatoire. Plus de 9 000 ressortissants de notre département furent contraints de partir pour le travail forcé en Allemagne.

 

 

 

 

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