Paul Léon (1874 - 1962), directeur général des Beaux-Arts
21 octobre 1914, le beffroi s'écroule - 24 août 1924, pose de la première pierre - 25 août 1929, le lion reprend sa place sur la couronne impériale - 24 août 1930, inauguration du carillon - 21 août 1932, inauguration de l'Hôtel de Ville (sources : médiathèque d'Arras, archives municipales, ECPAD, Gallica, Archives départementales, collection privée Jean-Claude Leclercq)
Les destructions
L’Hôtel de Ville est en feu le 7 octobre 1914 ; le beffroi s’écroule le 21 octobre sous les obus allemands.
« Sur ce géant de pierre, majestueux et beau, nimbé d’azur, les obus, brutes d’acier, s’acharnaient. Lutte farouche, inconcevable, de la barbarie contre l’art ! Et soudain [le 21 octobre 1914], à 11 heures 20, au 69e obus, le Beffroi s’écroula, s’affaissant sur lui-même et faisant, au loin, trembler le sol. Son cri d’agonie fut lugubre et se répercuta dans toute la ville : on eût dit une plainte infinie, la plainte d’une âme qui quitte un corps. » 1
La chute du Beffroi
« Depuis près de huit jours on ne bombardait plus,
Et la vie reprenait peu à peu dans la ville
Les gens plus rassurés s’en allaient par les rues,
Avec le cœur plus libre et l’esprit plus tranquille.
Un beau soleil d’octobre éclairait les décombres.
Défiant l’ennemi notre antique clocher
Se dressait invaincu et projetait son ombre
Sur la vieille cité semblant la protéger.
Mais à Monchy-le-Preux, colline stratégique,
Les soldats allemands entourent leur Kaiser,
Qui vient pour admirer la besogne tragique,
Et donner pour le crime d’altières croix de fer.
Mais lui, d’un air terrible, montrant le vieux clocher :
Rien de cette cité ne doit plus exister,
Brûlez leur cathédrale, abattez leur Beffroi
Répandez l’épouvante et déchaînez l’effroi.
Et tu fus obéi, ô Kaiser exécré,
Tes bandits ont détruit nos biens les plus sacrés !
Pendant de longues heures la mitraille fit rage
Le Beffroi paraissait résister sous l’outrage.
Mais soudain, ô prodige, s’apaise la tempête.
Une balle, peut-être, a touché la manette
De notre antique horloge et de son carillon
Et pendant que se tait un instant le canon,
Les airs, qui de tout temps ont bercé nos aïeux,
S’élèvent à nouveau sous la voûte des cieux.
Chacun en entendant ces chants mélodieux,
Essuyait en tremblant les larmes de ses yeux.
Mais c’est le chant du cygne, car il est condamné !
Le vieux Beffroi vacille et s’écroule entouré
De poussière formant un nuage vermeil,
Sublime apothéose, que dore le soleil. »2
1 - Abbé E. Foulon, Arras sous les obus, Bloud et Gay, 1915, p. 63
2 - De Augier et Guilbert - source : médiathèque municipale
L’Hôtel de Ville après le 4e jour de bombardement. (source : albums Valois / La Contemporaine)
8 mars 1916. (source : collection Jean-Claude Leclercq)
Ces cartes postales nous informent sur les destructions de l’Hôtel de Ville à différentes dates : octobre 1914, 13 novembre 1914, 21 octobre 1915, 15 décembre 1915. (collection privée)
Le projet de reconstruction
La reconstruction de l’Hôtel de Ville et du beffroi est actée lors de la Commission extra-municipale en date du 26 août 1917.
« RAPPORT présenté par M. l’Architecte en Chef Pierre PAQUET le 31 mai 1924 à l’appui d’un projet de restauration.
La reconstruction de l’Hôtel de Ville d’Arras qui fait l’objet du présent projet a été étudiée sur les programmes de l’Administration des Beaux-Arts et de la Ville d’Arras, dont les grandes lignes peuvent ainsi se résumer : Reconstituer la façade principale et le Beffroi de l’ancien édifice, afin de faire revivre complètement les Places d’Arras aujourd’hui restaurées, et créer néanmoins une Maison communale où tous les Services soient pratiquement et modernement installés dans les limites, comme importance, de l’ancienne construction.
Les plans et devis ci-joints ont été dressés pour répondre à ces données.
En effet, la façade principale et le beffroi sont une reconstitution de l’état ancien. Les relevés faits au fur et à mesure des déblaiements, les nombreux fragments de pierre qui ont pu être sauvés et classés, les gravures, les dessins et les photographies qui existaient, ont permis de dresser des plans précis dans les moindres détails. Seules quelques adjonctions modernes ont été supprimées, notamment le grand balcon construit vers 1827 qui a été remplacé par un balcon plus petit dont l’encorbellement repose comme autrefois sur le chapiteau de l’une des colonnes, et dans le pavillon de gauche les grandes lucarnes qui avaient été ajoutées si malheureusement à la même époque. Dans ce pavillon, la hauteur du premier étage a été légèrement augmentée afin de le mettre plus en rapport avec son utilisation.
Pour les autres façades, c’est l’ordonnance architecturale de 1572, conçue par Mathias Tesson, qui a été uniformément adoptée afin de donner une plus grande unité à l’édifice.
La superficie du nouvel Hôtel de Ville est à peu de chose près semblable à celle de l’ancien ; on peut en juger par le plan comparatif sur lequel sont tracés l’un sur l’autre les deux édifices. Du reste la façade principale est exactement plantée sur les anciennes fondations, seules, les façades latérales ont été légèrement redressées.
Le volume général des bâtiments reste également ce qu’il était autrefois, la disposition des masses ayant été conservée.
Le caractère de l’édifice ne change pas sur la façade principale. Mais sur les autres, il se trouve simplifié grâce au parti d’architecture adopté.
A l’intérieur, les principales pièces ont été reconstituées ; on retrouve au Rez-de-chaussée, le vestibule voûté auquel il a été possible de donner son ancienne ampleur, et au Premier étage, la grande salle des fêtes mais avec une décoration étudiée dans le caractère du XVI ème , plus sobre que celle qui existait. Il en est de même pour le cabinet de M. le Maire et des autres pièces.
La construction générale est projetée avec des matériaux dont la durée est égale au moins à celle des matériaux de l’ancien édifice : granit, pierre de St Maximin, briques, ciment armé, etc.
Un certain nombre de vieilles pierres seront remployées.
Pour le Rez-de-chaussée, il a été prévu du granit en remplacement du grès introuvable maintenant dans la région, et qu’il serait impossible de mettre en œuvre faute de tailleur de grès spécialiste.
Des fondations nouvelles et profondément établies sont nécessaires sous tout l’édifice, les sondages opérés dans le sol ayant fait constater combien était mal fondé l’ancien hôtel de Ville. - Il reposait sur un sol de remblai et de craie écrasée, traversé en tous sens par des galeries de carrières incomplètement remblayées, non consolidées, et comportant de nombreux fontis et puits d’extraction. Ces constatations expliquent les nombreux désordres qui se sont produits en tous temps dans les murs, et qu’il faut éviter dans la nouvelle construction. »
Les sommes touchées sur les dommages de guerre pour la reconstruction de l’Hôtel de Ville s’élèvent au 1er septembre 1932 à 23 722 923 francs ; son coût s’élevant à 30 436 554 francs.
Les fondations
« Pendant ce temps, M. Paquet terminait les plans d’ensemble et dès 1924 les fondations sont commencées et établies pour éviter le retour des ennuis du siècle dernier. 78 puits en béton descendent à une profondeur moyenne de 16 mètres. Ce travail n’alla d’ailleurs pas sans quelques difficultés ; l’inconsistance d’un sous-sol tant de fois remué au cours des sièges nécessita l’emploi de blindages ; la découverte la plus désagréable fut certainement celle d’un ruisseau à l’endroit d’un puits qui se trouve approximativement sous l’entrée des bureaux par la rue Jacques-le-Caron ; son débit de plus de 100 m3 à l’heure gêna longtemps les travaux ; il fallut creuser un batardeau et détourner le ruisseau au débit si abondant pour asseoir le massif en béton sur un sol résistant ; chose singulière, les deux puits voisins situés à environ 3 mètres de là étaient parfaitement secs. »
Conférence de M. Decaux sur le beffroi et l’hôtel de ville, Le Télégramme du Pas-de-Calais et de la Somme, 19 et 20 août 1932.
Descriptif des puits (source : archives municipales)
(source : collection Jean-Claude Leclercq - Archives nationales du monde du travail (Roubaix), reconstruction de l’Hôtel de Ville, fonds Pelnard-Considère-Caquot)
Une reconstruction à l'identique ?
« Restaurer un bâtiment, ce n'est pas le préserver, le réparer ou le reconstruire, c'est le replacer dans un état complet qui a pu ne jamais exister à une époque donnée. » Viollet-le-Duc
« La Commission, s’inspirant du conseil autorisé de notre doyen [M. Guesnon], le savant historien de l’Artois, émet un vœu pour la reconstruction de ces monuments [l’Hôtel de Ville avec son beffroi, les Places, le Palais Saint-Vaast] tels qu’ils étaient autrefois, c’est-à-dire sans reproduire les quelques transformations peu heureuses du siècle précédent. » (Avant-projet pour les nouveaux alignements de la Ville, rapport de Victor Leroy, 1918)
Histoire et développement
1) Le beffroi
description
Le beffroi d’Arras est une tour de style gothique flamboyant d’une hauteur de 75 mètres. Il est bâti en pierre de taille sur une structure en béton armé afin d’alléger le poids du beffroi et d’en diminuer le coût. Dans un souci d’authenticité, les vieux grès de l’ancien édifice ont été réemployés chaque fois qu’ils ont été retrouvés. Des moulages des anciennes sculptures ont été réalisés permettant une reproduction des plus fidèles.
L’ossature du beffroi repose sur un radier en béton armé, d’une épaisseur d’environ 2 mètres, duquel s’élancent quatre piliers de béton armé. Pour la partie du beffroi qui est intégrée à l’hôtel de ville, les remplissages sont en brique. Au-delà, ils sont réalisés en pierres de taille issues de la carrière de Saint-Maximin (Meuse).
La partie hors-œuvre de cette tour carrée est renforcée par des contreforts d’angles jumelés en équerre. Ces piliers sont marqués par deux retraites : la première est amortie par un pinacle à 45° orné de crochets, la seconde par un chaperon portant un fleuron.
Chaque face de la tour est divisée en cinq niveaux. Le premier est aveugle (pas de décorations ni d’ouvertures), les trois suivants sont ornés d’arcatures aveugles et le dernier comporte deux baies en arc brisé munies d’abat-sons. C’est ce dernier niveau qui abrite la chambre des cloches.
Une tourelle d’escalier est implantée sur la façade ouest du beffroi. Une première terrasse couronne la tour. Elle est ornée d’une balustrade à jour et ressaute au niveau de chaque contrefort. A partir de cette terrasse située à près de 44 mètres de hauteur, la tour prend une forme octogonale et comporte trois niveaux distincts. Le premier est orné d’arcatures aveugles qui sont brochées par le cadran de l’horloge sur les faces cardinales. Face aux quatre autres côtés se trouvent les quatre culées de section carrée qui reposent sur la première terrasse et qui assurent le contrebutement de ce niveau en reprenant chacune la poussée de deux arcs-boutants. Ce niveau se termine par une balustrade à jour.
Le second niveau abrite le carillon. Il comporte des baies en arc brisé munies d’abat-sons en partie supérieure. Une balustrade à jour marque la retraite avec le dernier niveau. Le carillon actuel comporte 37 cloches, suspendues sur un beffroi de chêne. Le troisième niveau est simplement percé de petites baies et sert de dalle pour la couronne.
Au-dessus, la couronne sommitale, réalisée en béton armé, est constituée de huit branches ornées de crochets. Ces branches se réunissent pour former le piédestal de la statue en bronze du Lion d’Arras.
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Lorsque Philippe-Auguste donne à la commune la charte de 1194, il ne fait que confirmer des privilèges plus anciens accordés à la ghilde des marchands, en les coordonnant et les réglementant. Soucieux de témoigner de la puissance acquise et accentuée au cours du Moyen Age par leur commune, investie du triple pouvoir administratif, législatif et judiciaire, les Bourgeois de la Ville affirment leur volonté d’élever un monument riche et élégant. Ce dernier se doit d’être le symbole et le gage des libertés communales et doit traduire, au travers de sa hauteur, l’étendue de leurs droits. Ainsi débute la construction du beffroi en 1463, date pourtant tardive au regard d’une communauté d’habitants aussi ancienne et riche qu’Arras. Jusqu’alors, la ville se contentait du clocher de l’église Saint-Géry, en face de l’ancienne Halle échevinale (qui s’élevait à l’emplacement des numéros 2, 4 et 6 actuels de la rue Emile-Legrelle), pour faire valoir son droit de cloche.
Les travaux de construction s’échelonnent sur une centaine d’années et sont plusieurs fois interrompus en raison des guerres dont l’Artois est le théâtre permanent. Ils débutent en 1463 sur l’emplacement de la Halle aux cuirs mais sont arrêtés en 1478 à 35 mètres du sol en raison des guerres de succession de Charles le Téméraire. En 1499, le beffroi est construit jusqu’aux abat-sons. Mais les travaux sont de nouveau interrompus, de 1520 à 1526, suite à l’invasion de l’Artois par les Français et la peste de 1521. En 1541, la tour du beffroi est élevée à hauteur de la première galerie. Le 8 septembre, l’échevinage passe un marché avec Jacques Halot, « horloger » d’Arras pour la confection de l’horloge. De 1551 à 1554, la troisième galerie est achevée. Un couronnement de trois étages, présentant des similitudes avec le beffroi d’Audenarde, est ajouté selon les plans de Jacques Le Caron, maître-maçon et architecte. En 1554, le beffroi est achevé par un octogone de près de 4 mètres de hauteur surmonté d’une couronne de pierre supportant un lion tenant une bannière aux armes de la ville. L’inauguration a lieu le 2 juillet. Le beffroi d’Arras est alors le plus haut de la région ; il atteint la hauteur de 75 m 36.
Le soleil porté par le lion daterait de l’entrée de Louis XIV dans la ville en 1667. En 1694, un carillon de 24 cloches est posé. Durant la Révolution, le beffroi faillit d’être « décapité » : la couronne impériale, perçue comme un symbole séditieux aux yeux des révolutionnaires, a été sauvé grâce à la volonté du maire Hacot. Pour éviter sa démolition, il la fit recouvrir d’une calotte de plomb.
Le 13 février 1832, une délibération municipale décide, par mesure de sécurité, la démolition du beffroi jusqu’aux abat-vents. En effet la partie supérieure menace de tomber en ruine. Néanmoins, il est stipulé que le beffroi doit être rétabli selon sa forme primitive de 1554. La reconstruction, débutée en 1838, est réalisée par l’architecte Traxler, l’entrepreneur Hippolyte Lantoine et le sculpteur Louis Bougron. Un nouveau lion est acheté à l’artisan Desprats en 1841 – 1842 pour couronner le beffroi. En 1843, un carillon est posé par J. Wagner, mécanicien-horloger à Paris. L’inauguration a lieu le 1er mai 1844. En 1868, la ville d’Arras achète une horloge pour le beffroi et de 1871 à 1909, quelques travaux de restauration partielle sont entrepris, sans apporter de changements significatifs du bien.
Texte inscrit sur la première pierre des travaux de réfection du beffroi en 1839. (source : Le Beffroi d’Arras, 22 août 1924)
Le 21 octobre 1914, témoin malheureux des événements, la tour communale s’écroule après 69 tirs d’obus allemands. Il n’en subsiste alors que le soubassement en grès. A partir de 1924, le beffroi est reconstruit par les services des Monuments Historiques, sous la direction de Pierre Paquet, inspecteur général des Monuments Historiques. Sa reconstruction suit le principe de refaire à « l’identique ». C’est pourquoi le beffroi d’Arras nous apparaît aujourd’hui sous son aspect primitif. Seuls les matériaux ont changé : le béton armé a été utilisé afin de limiter les dépenses. En 1930, un nouveau carillon est installé. L’inauguration en 1932 donne lieu à un programme de fêtes célébrant le souvenir d’un passé glorieux ainsi que la renaissance dans la paix.
Parmi les travaux les plus récents, un programme de restauration des parements en pierre et de la structure en béton armé fut entamé en mars 1999 pour remédier aux dégradations du beffroi engendrées par quelques désagréments (eau de ruissellement, oxydation, rouille, …).
L’horloge fut remise à neuf en 2001 et le carillon fut restauré en 2002.
2) L'Hôtel de Ville
🔲Un corps de bâtiment est adjoint au beffroi en 1501 pour abriter la halle échevinale.
La façade, de style gothique, comprend à l’origine, au rez-de-chaussée un porche ouvert par sept arcades, au premier étage sept fenêtres à arcs brisés et une bretèche agrémentée d’une statue.
🔲 Vers 1572, une aile sud de style Renaissance est édifiée par Mathias Tesson ; un escalier extérieur donne sur la Petite Place.
🔲 Cet escalier est supprimé en 1756, ainsi que la bretèche remplacée par une huitième fenêtre et un balcon. Les vingt-trois lucarnes disparaissent en 1822 ; elles seront rétablies vers 1860.
🔲 L’hôtel de ville est désenclavé entre 1867 et 1871 par la création de la place de la Vacquerie.
A partir de 1861, sous la direction de l’architecte Louis Mayeur, le sculpteur Edmond Mathon travaille pendant dix ans à l’ornementation intérieure et extérieure, dans une profusion de styles.
🔲 En 1867, Louis Mayeur entreprend la construction d’une nouvelle aile nord.
🔲 L’Hôtel de Ville tel qu’il se présentait avant la Première Guerre mondiale.
« Ne point prendre le gigantesque pour le grandiose, l’entassement pour la richesse, le galimathias pour l’éclectisme, le dévergondage pour l’originalité.
Ne point se figurer que le criterium de l’esthétique serait trouvé si la bâtisse devait arracher aux passants ahuris cette fameuse exclamation :
Ce ne sont que festons, ce ne sont qu’astragales.
Et comme tout cela fut ignoré, confondu, dédaigné, on arriva, mutilant, déshonorant les constructions anciennes écrasées par les nouvelles, échafaudant un assemblage inouï d’éléments hybrides, incohérents et grotesques, à composer une insanité sans exemple étalant à la fois toutes les profusions et toutes les pauvretés, toutes les prétentions et toutes les platitudes […] un gâchis de renaissance, de roman, d'arabe, de gothique agrémenté de tarabiscotages et de nœuds d'amour [...] »1
🔲 La reconstruction. Concernant les ailes nord et sud, Pierre Paquet renoue avec l’ordonnance architecturale conçue par Mathias Tesson en 1572.
L’Hôtel de Ville retrouve son caractère originel.
Article réalisé grâce à une synthèse des excellents ouvrages :
La Salle des fêtes de l’Hôtel de Ville, ASSEMCA, 2017 ;
Architecture et urbanisme à Arras au XIXe siècle, ASSEMCA, 2014 ;
du dossier : Les Beffrois de Flandre, d’Artois, du Hainaut et de Picardie, proposition d’inscription à la liste mondiale du Patrimoine mondial.
Merci aux membres du groupe Facebook Arras et ses alentours d’hier et d’aujourd’hui pour leurs contributions iconographiques.
« Aussi, dans la mesure où l’authenticité originelle des édifices est perdue, il était nécessaire de ne pas essayer de reconstruire à l’identique mais d’assumer l’histoire de la ville et le passage de la guerre. Cela afin de continuer à faire vivre la ville et ses édifices de manière à ce qu’ils gardent un sens et de ne pas tomber dans l’illusion d’une ville épargnée. En un mot, il aurait été préjudiciable de faire croire par les choix en matière de reconstruction que 1914 – 1918 n’était jamais arrivé. »2
Cette analyse fait écho à celle d’Augustin Besnier concernant la flèche de Notre-Dame, détruite lors de l’incendie du 15 avril 2019, et qui sera reconstruite « à l’identique » :
« Or reconstruire « à l’identique » n’est rien d’autre que nier l’incendie, en faisant passer une reconstruction pour une conservation, et une substitution pour une transmission.
De fait, l’héritage patrimonial se trouve vidé de ce qui fonde sa valeur cardinale, à savoir son authenticité. Celle-ci peut certes résister à une restauration de ce qui se dégrade – tableau ou une façade -, mais non à une reconstruction de ce qui disparaît. Si une aile du Louvre venait à brûler, repeindrait-on, pour les exposer, les tableaux disparus ? Dès que l’inauthentique est donné pour héritage, ou simplement donné à contempler, c’est dans le kitch qu’il bascule, lequel coïncide peu avec l’image que l’on entend ici rétablir. » 3
1 - Constant Le Gentil, Le Vieil Arras, Gérard Monfort éditeur, 1877, p. 427
2 - Séphora Nowicki, La Reconstruction d’Arras : un emblème de conservatisme ?, Mémoire de recherche, Sciences Po Lille, 2018, p 87 et suivantes
3 - Extrait de l’article « Reconstruire Notre-Dame « à l’identique » ne peut être qu’un geste réactionnaire » paru dans le Monde, édition du samedi 18 juillet 2020. Augustin Besnier est docteur en esthétique et sciences de l’art, enseignant à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne.
Nous reprenons dans ce diaporama les façades est de l'Hôtel de Ville présentées précédemment.
L'intérieur de l'Hôtel de Ville avant le confit (collection privée et archives municipales).
La pose de la première pierre
« Mais le sacrilège le plus cynique était à coup sûr le meurtre de votre Beffroi.
Il avait grandi lentement, mais d’une poussée persévérante et sûre, comme ces arbres qui
semblent immortels à force de triompher des années. Les fondements en avaient été jetés en 1463. Près d’un demi-siècle plus tard « la Banclocque » [sic] installée sur le premier étage qui venait d’être terminé, sonnait en l’honneur de Philippe ; le frère de Charles-Quint.
Puis, ce furent les deux étages octogones qui furent ajoutés à l’édifice, avec leurs belvédères ajourés. Le monument n’avait pas cessé de monter, cependant que l’histoire de votre Ville s’inscrivait dans le dessin même de son ornementation. Enfin, le jour vint où, au-dessus de la couronne d’empire, le lion de Flandres se dressa vainqueur. Ce jour-là votre beffroi avait définitivement consacré les droits de votre cité.
Depuis 1554, date mémorable de son inauguration, votre Beffroi vous avait sans défaillance apporté l’écho sonore de toutes vos grandes émotions. Les luttes révolutionnaires qui furent ici très âpres, avaient respecté cette merveille des âges passés. »
(24 août 1924, extrait du discours de M. Justin Godart, Ministre du Travail, à l’occasion de la Pose de la première pierre de l’Hôtel de Ville)
la pose de la première pierre, 24 août 1924 (jour des fêtes d'Arras). (source : médiathèque municipale)
(source : archives municipales)
Une technique novatrice : le béton armé
En France, la circulaire du 20octobre1906 rédigée par la Commission du ciment armé pose les premiers fondements techniques du béton armé, admis à figurer parmi les matériaux de construction classiques.
Si l’on associe la reconstruction de l’Hôtel de Ville et l’emploi du béton armé au nom de l’entrepreneur Louis Peulabeuf, les plans de la structure en béton armé de cet édifice ont été conçus par les ingénieurs Louis Pelnard, Armand Considère et Albert Caquot : la paternité de la structure en béton du Monument préféré des Français leur revient !
L'échafaudage du beffroi
En 1927, une grue s'effondre (source : Musée des Beaux-Arts d'Arras).
Le carillon
Plusieurs morceaux de cloches retrouvés dans les décombres au moment du déblaiement sont fondus pour les nouvelles cloches.
Le carillon a été fondu par M. Bollée à Orléans. La plus grosse cloche pèse 260 kilos. La tonalité du bourdon correspond à l’ut grave.
« A la demande de M. Pierre PAQUET, Architecte en Chef des Monuments Historiques, deux Conseillers municipaux, accompagnés de M.M. LELEU, Directeur de l’Ecole de Musique, et PETITOT, Professeur de piano, se sont rendus à Orléans pour procéder le 17 avril, à la réception des cloches de notre carillon.
M.M. LELEU et PETITOT qui ont dû se trouver chez le fondeur le 17, au matin, pour pouvoir apprécier la justesse du son de chaque cloche, au nombre de 40, et déterminer l’harmonie de l’ensemble […]. » (Délibération du Conseil Municipal, 29 avril 1930)
Le carillon est inauguré le 24 août 1930. M. Lannoy, carillonneur à Saint-Amand-les-Eaux donne des auditions lors de cette inauguration qui est radiodiffusée.
« M. Rogiez est nommé carillonneur d’Arras à la date du 1er janvier 1931.
La Municipalité reprend ainsi, après un intervalle de dix-sept ans, une tradition chère aux Arrageois, de même qu’une coutume pittoresque et bien régionale, dont l’archaïsme réjouira tous ceux qui, à notre époque de progrès parfois contestable, ont tendance à regretter le « bon vieux temps » des diligences et……… des carillonneurs. » (Note de M. le Maire Désiré Delansorne, sans date)
Lors de son inauguration, le carillon était à coup de poing (comme le carillon de Bergues dans le film Bienvenue chez les Ch'tis). Il l'est resté jusqu'en 1959. Il fut électrifié en 1968.
Le lion
Achevé vers 1554, le beffroi d'Arras est alors surmonté d'une couronne impériale en hommage à Charles Quint et d'un lion, symbole héraldique ancien utilisé sur les blasons des territoires du Comté de Flandres, présent sur les armoiries de la Ville d'Arras.
Les attributs du lion sont l'écu d'Artois, les armes de la ville et le soleil, ajouté probablement lors du règne du Roi-Soleil, Louis XIV, pour représenter la reprise de la ville par les Français.
Paris, Petit Palais, "Exposition d'oeuvres d'art mutilées ou provenant des régions dévastées par l'Ennemi". "Percé par des obus, le lion de l'Hôtel de Ville d'Arras est conservé à l'abri". Il entre dans les collections du Musée des Beaux-Arts vers 1930 et est exposé aujourd'hui dans une galerie du cloître. novembre 1916. (source : ECPAD)
Emblème de la Ville, il donne son nom au journal arrageois de résistance, d'Union sacrée et apolitique, Le Lion d'Arras, créé à Boulogne-sur-Mer par trois ecclésiastiques et publié entre le 1er janvier 1916 et le 1er janvier 1920. Il est représenté la gueule ouverte, tenant un oriflamme et piétinant de la patte un casque à pointe.
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Le nouveau lion - le "petit-fils" - est sculpté par Pierre Seguin, puis réalisé dans les célèbres ateliers Monduit. Honoré Monduit fut l'un des principaux artisans de la statue de la Liberté, de la flèche du Mont-Saint-Michel, des quadriges du Grand Palais, de la coupole de l'Opéra de Paris...
La Maison Monduit promeut son savoir-faire lors des expositions universelles ; en atteste l'entête d'un courrier ci-dessus. La réplique du lion est destinée à être présentée à l'exposition internationales d'Anvers de 1930.
Pour approfondir ce sujet, lire l'article en fin de ce paragraphe : "Monduit s'expose : la participation de la maison Monduit aux expositions universelles"
Mais où se trouve le deuxième lion réalisé par les ateliers Monduit et qui aurait été présenté à l'Exposition internationale coloniale, maritime et d'art flamand à Anvers en 1930 ?
Le voilà ! Au château de Pierrefonds qui conserve une collection d'ornements d'architecture des ateliers Monduit (des répliques) suite à leur fermeture à la fin des années 1960 :
Quellel fut notre surprise à la lecture de courriers conservés aux archives municipales d'apprendre que cette réplique revient à la Ville d'Arras ! Ainsi dans un courrier en date du 20 janvier 1930 le directeur de la Maison Philippe Monduit écrit au maire d'Arras : "Monsieur l'Inspecteur Général Paquet nous a transmis votre honorée du 15 courant relative à l'autorisation d'exécuter une réplique du Lion du Beffroi que nous destinons à l'Exposition d'Anvers de 1930.
Il reste entendu que cette pièce restera dans la Collection d'Art de la Maison Monduit et que dans le cas de dissolution de notre Société ou de liquidation de cette collection, cette exécution serait remise à la Ville d'Arras à titre gratuit."
Les ateliers Monduit ont cessé leurs activités à la fin des années 1960. Grâce à la donation de Gabrielle Pasquier Mondiut en 1969, le château de Pierrefonds présente une collection d'ornements d'architecture des Ateliers Monduit.
Alors que faire... ? Nous souhaitons respecter l'intégrité de cette collection. Cependant, nous serions ravis de pouvoir présenter cette réplique aux Arrageois en... 2029, comme le lion actuel le fut un siècle avant sur la Petite Place, comme le montre les photos ci-dessous :
« […] depuis le 25 août 1929, le vieux Lion d’Or des Flandres a repris sa faction appuyé sur sa lance qui laisse tourner au gré du vent le Soleil-Dieu sur la bonne ville.
Je me suis laissé dire que quelques fervents zoologues avaient été surpris de voir le roi des animaux porter la moustache gauloise ; ne devions-nous pas au vieux lion, en qui s’étaient confiés nos pères et qui devait finir piteusement rangé comme invalide au musée, de le revoir tel qu’en 1553 l’avait conçu Jacques le Caron et que depuis ont aimé tant de générations.
Il semble sous sa fière allure, protéger le carillon […] »
Conférence de M. Decaux sur le beffroi et l’hôtel de ville, Le Télégramme du Pas-de-Calais et de la Somme, 19 et 20 août 1932.
Glorification de l'industrie triomphante, manifestations de prestige et d'orgueil, sources de toutes les expériences, de toutes les fantaisies et véritables invitations au voyage, les expositions...
Article : Monduit s'expose : la participation de la maison Monduit aux expositions universelles.
Le lion (le petit-fils !) reprit sa place sur la couronne impériale le 25 août 1929. Le lion, avec sa hampe, mesure 600 cm.
Les cartouches des lions sculptés
Détails d’un plan de Pierre Paquet : façade sur la rue de la Braderie, 26 février 1927, 100,5 sur 104 cm, échelle 0,05 p.m. (source : archives municipales) - Photo d’époque : lions jumelés aux angles des pavillons, 27 mai 1929 (source : archives départementales du Pas-de-Calais, fonds Paul Decaux) - Merci à Maximilien Dumoulin dont l’une de ses photos de sa page Facebook « Dans les rues d’Arras » m’a mis sur la piste…
Charles Hoffbauer réalise la décoration de la grande salle des fêtes. L’ensemble a une superficie approximative de 240 m2.
« Les peintures de Ch. HOFFBAUER, qui décorent la Grande Salle des Fêtes de l’Hôtel de Ville d’ARRAS représentent la vie journalière des habitants de notre Cité au commencement du XVIe siècle.
Dans un panneau, autour d’une tribune, des femmes et des enfants s’occupent aux travaux du ménage; des fileuses sont attentives à leur quenouille et à leur rouet pendant qu’un tisserand consacre tous ses soins à une tapisserie qui sera livrée demain au marchand et qui portera au loin la renommée d’art de la Capitale de l’Artois.
Nous assistons à une vaste Kermesse et nous y voyons des danseurs se livrant à leurs ébats; des tireurs d’arc; un spectacle forain au fond d’une prairie; des musiciens jouant de la cornemuse et du tambour; des bourgeois d’Arras et des paysans, attablés et se réjouissant; un cuisinier et ses aides se livrant, un peu à l’écart, aux préparatifs de la Kermesse. Tout est joie; tout est animation; tout est féérie dans ce tableau, évocation de scènes flamandes.
Des villageois s’installent sur la Place du Marché y apportant et y vendant leurs denrées, leurs fruits et leurs volailles. Le marché aux grains qui fut si longtemps l’un des plus importants de la région y est figuré. La Grande Place forme le décor. On remarquera qu’à cette époque, les maisons à pignons en bois comportaient déjà des arcades, disposition générale qui fut conservée lors de la reconstruction en pierre de toutes ses façades au XVIèmesiècle.
La vie religieuse si importante au XVIèmesiècle et la vie civique et communale, également si puissante dans le Nord de la France au moyen-âge, sont représentées de chaque côté de la cheminée. Procession de la Fête-Dieu avec l’Evêque, son clergé et les reliques; au second plan, la Cathédrale, démolie en 1793.
Le Maire et les échevins, entourés des notables et des corporations portant leurs bannières, sortant de l’Hôtel de Ville.
Devant le Maire, on porte la masse et les archers accompagnent le cortège. Comme décor, la Sainte Chandelle et la Petite Place.
Au-dessus des huit fenêtres ogivales, sont reproduits les métiers des artisans: maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, menuisiers, forgerons, chaudronniers, armuriers, boulangers, tonneliers, imprimeurs, etc…. etc….
L’artiste a su réaliser un ensemble décoratif merveilleux, en alliant les détails, savoureux au pittoresque et à la réalité. C’est plein d’allégresse, de vie, de naturalisme, de joie truculente.
L’intérêt n’est pas dispersé, et tant de scènes diverses sont habilement reliées.
« La composition est bien pleine, conçue comme une vaste tapisserie chatoyante, sans se laisser aller à sacrifier son unité à l’exécution du morceau. Le ton clair s’allie bien à la pierre ».
C’est en tous points une grande œuvre, l’œuvre d’un grand coloriste, d’un peintre intelligent qui a voulu amuser en instruisant et qui y a réussi.
On ne pouvait mieux allier l’art pictural à l’art architectural. » (note jointe au programme du voyage ministériel de l’inauguration du nouvel Hôtel de Ville, dimanche 21 août 1932)
La toile marouflée, avant la pose de l'encadrement des portes (source : Musée des Beaux-Arts d'Arras).
La toile marouflée détaillée en vidéo
La salle des fêtes (source : Ministère de la Culture, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, dist. RMN-GP)
Les toiles marouflées de Gustave Louis Jaulmes
« PEINTURES DE LA SALLE DES MARIAGES
Les peintures de la Salle des Mariages sont une allégorie du Printemps évoquée dans un paysage rappelant la région.
Le mur de droite, en regardant les fenêtres, représente un lâcher de pigeons par des Jeunes Filles, sur un fond de Ville.
Le mur du fond, en face des fenêtres, figure l’entrée de la Fée Printemps, entrainée par un essaim de jeunes Filles et d’Enfants.
Le mur de gauche reproduit une vue de la campagne (canal avec chalands, lilas en fleurs, etc…) avec au premier plan un berceau entouré de parents.
L’ensemble de la composition est relié par un mur de buis en pleine floraison printanière, il limite la terrasse où l’on suppose que se passe la scène.
La partie masculine, peu représentée, est au second plan : Jardinier taillant des rosiers, conducteur de voiture de maraicher, cavaliers sur chevaux de halage, etc…
Ces décorations sont l’œuvre du Peinture G. L. JAULMES. » (note jointe au programme du voyage ministériel de l’inauguration du nouvel Hôtel de Ville, dimanche 21 août 1932)
La salle des mariages (source : Ministère de la Culture, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, dist. RMN-GP)
Le mobilier des principales pièces de l’Hôtel de Ville provient de la société (Tony) Selmersheim et (Louis) Monteil qui a exécuté les boiseries.
« Ces dessins ont été faits pour s’harmoniser au lambris, au plafond et à la décoration des pièces, et doivent être exécutés en même bois et dans le même caractère. » Pierre Paquet, 6 juin 1931.
« Son attention [M. Paquet] a été particulièrement retenue par le choix si important et si délicat des pierres. Elles proviennent de la Meuse, des carrières de Brauvilliers, pour les parties en pierre dure, et de Savonnières (dans la Meuse également) pour le reste. Indépendamment des grès anciens réemployés, il a été taillé des grès provenant des carrières de la Vallée-Heureuse, ce qui a permis une reconstitution remarquable de la galerie extérieure du rez-de-chaussée, d’une élégance et d’une légèreté impressionnantes, qui ne pouvait être rétablie qu’avec des matériaux appropriés, appareillés de façon parfaite avec des chaînages que le béton armé du plancher haut a rendu plus facile. […]
Les chêneaux et toutes parties plates de la couverture ont été exécutés en plomb pour assurer facilité d’entretien et longévité.
Plus particulièrement, les vingt-trois petites lucarnes qui parent si heureusement la couverture du corps principal retinrent l’attention du maître de l’œuvre ; les épis, les rives ornementées de crochets sculptés en plomb, le recouvrement des parties exposées aux intempéries constituent un travail de plomberie d’art remarquable. »
Des chiffres
« Ces ailes [gauche et droite] développent parallèlement deux grands corps de bâtiment à un étage dont les façades sont ornées avec une sobre richesse sur une assise de grès, une cimaise vermiculée. Entre les fenêtres à meneaux, de robustes colonnes torses. Aux deux extrémités, un pavillon rompt la monotonie de la toiture : le lion d’Arras veille fièrement à chacun de ses angles. Là aussi de charmantes surprises nous attendent dans le détail des sculptures ; mais un tel résultat n’est pas atteint sans peine : imaginez que le vermiculage représente à lui seul plus de 1.000 mètres linéaires.
Au total, il aura été employé à l’œuvre de l’Hôtel de Ville 3.060 mètres cubes de pierre, 1.205 tonnes de ciment, 360 tonnes d’acier.
L’ensemble de la construction représente environ la charge de 1.500 wagons.
Le beffroi pèse à lui seul 7.000 tonnes. »
Conférence de M. Decaux sur le beffroi et l’hôtel de ville, Le Télégramme du Pas-de-Calais et de la Somme, 19 et 20 août 1932.
La mairie provisoire
A la veille de la guerre, le conseil municipal se composait ainsi : Emile Rohard, maire. Conseillers municipaux : Anselin F., Baggio G. , Bauvin N., Blondel F., Bouchez E., Caffenne L., Carlier E., Chabé A., Delansorne D., Dhotel M., Eloy-Létévé, Flinois R., Fourcy F., Garez L., Griffiths T., Labbe P., Ledieu G., Lefebvre J., Le Gentil, Lemelle G., Paillard C., Paris J., Sevin Ch., Tricard L., Wartel F., Wattine-Blondel.
Durant le conflit, le Conseil Municipal se réunit à Boulogne-sur-Mer, à Etaples ; à la fin du conflit, à l’Ecole des Beaux-Arts, rue Aristide-Briand. Au lendemain des élections de novembre 1919, la Ville fait l’acquisition de l’hôtel Dhainaut sis 6 rue Beffara et reconstruit les services municipaux (délibération du Conseil municipal du 15 décembre 1919).
En 1923 la Ville fait l’acquisition d’une maison construite en 1906, sise 4 rue Beffara de 787 m2. « Cet immeuble traité en petit hôtel particulier est d’exécution très soignée. » Cette acquisition permet d’agrandir les services de la Mairie ; la Ville y installe le service du contentieux et de l’alignement.
Extrait du registre des délibérations du conseil municipal de la ville d’Etaples. - 14 octobre 1917. Arras adoptée par Philadelphie. M le maire donne lecture au conseil d’une lettre de M. le maire d’Arras, l’informant qu’à la suite de la réunion des conseillers municipaux de la ville d’Arras qui a eu lieu à la mairie d’Etaples le 10/8/1917, la ville d’Arras a été adoptée par la ville de Philadelphie. (Cette information s’avérera par la suite inexacte…)
4 et 6 rue Beffara, vers 1930 - Salle du Conseil municipal et des mariages. (source : archives municipales)
L'inauguration
La remise de l’Hôtel de Ville à la municipalité a lieu le 4 février 1932 par Paul Léon, directeur général des Beaux-Arts.
Le conseil municipal se réunit le 7 février en séance extraordinaire pour l’inauguration de la nouvelle salle du conseil municipal. Pierre Paquet est nommé Citoyen Honoraire de la Ville d’Arras. Un « déjeuner intime » fait suite au Bar moderne, place de la Gare.
L'inauguration a lieu le 21 août 1932 à 10h30. La pose de la première pierre et l’inauguration de l’Hôtel de Ville ont eu lieu un dimanche des fêtes d’Arras. La tradition des fêtes d’Arras naît de la commémoration de la levée du siège de la ville en 1654. La fête communale est alors normalement fixée au dimanche le plus proche de la fête de Saint-Louis (le 25 août).
Ci-dessous : discours de l'inauguration de l'Hôtel de Ville par Désiré Delansorne, maire d'Arras.
La salle du conseil municipal (source : Ministère de la Culture, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, dist. RMN-GP)
Le bureau du Maire. (source : Ministère de la Culture, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, dist. RMN-GP)
« Dans l’aile sur la rue Vinocq, le cabinet du maire occupe la place d’honneur à l’angle de la Petite Place ; M. Paquet a composé dans le style de la seconde Renaissance flamande, un intérieur entièrement caissonné de belles boiseries en noyer accompagnées d’un plafond très original qui se répète sur le sol ; il a ainsi réalisé, de la façon la plus heureuse et la plus distinguée, le cabinet du premier magistrat d’une cité riche en souvenirs, glorieuse de ses malheurs et soucieuse de son avenir. » Conférence de M. Decaux sur le beffroi et l’hôtel de ville, Le Télégramme du Pas-de-Calais et de la Somme, 19 et 20 août 1932.
Intérieur (source : Ministère de la Culture, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, dist. RMN-GP)
Extérieur ( source : Ministère de la Culture, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, dist. RMN-GP)
Un observateur attentif remarquera que Pierre Paquet a signifié la reconstruction de l’édifice par deux dates gravées sur la façade de l’Hôtel de Ville (aile donnant sur la rue Jacques-le-Caron) rappelant par là-même les destructions de la ville martyre.
Elles sont séparées par un R (Reconstruction). Etrangement, la première date n’est pas celle de l’année de la pose de la première pierre (1924). 1927 correspond à l’année de l’édification du rez-de-chaussée de l’Hôtel de Ville. 1931 étant… la date estimée à l’époque de la fin des travaux !
L'aile nord porte l'inscription "1573". Elle correspond à la construction de... l'aile sud (!) de style Renaissance, édifiée par Mathias Tesson.
Premier conseil municipal et réception de Pierre Paquet
Retrouvez ci-dessous le discours de réception de Pierre Paquet lors du premier conseil municipal à l'Hôtel de Ville, le 7 février 1932.
Les édifices classés Monuments historiques ont été reconstruits à « l’identique » : l’Allemagne ne les aura pas anéantis à tout jamais. Aussi, Arras a su préserver son histoire, retrouver ce qui fonde son identité (le beffroi, l’Hôtel de Ville, les places) – en leur rendant leur aspect d’antan.
« L’âme des vieilles cités ne meurt pas » écrivait l’Abbé Foulon dans Arras sous les obus en 1915.
Mais Pierre Paquet nous rappelle avec l’Hôtel de Ville et ses trésors Art déco, qu’il aurait été préjudiciable, par une reconstruction totalement à l’identique, de faire croire que la Grande Guerre n’était jamais arrivée.
Belle, très au-dessus de toute la contrée,
Se dresse éperdument la tour démesurée
D’un gothique beffroi sur le ciel balancé
Attestant les devoirs et les droits du passé,
Et tout en haut de lui le grand lion de Flandre
Hurle en cris d’or dans l’air moderne : "Osez les prendre !"
Grâce à de nombreuses photos d’époque inédites, exhumées de différents centres d’archives, vivez la fabuleuse aventure de la Grande Reconstruction d’Arras, détruite à près de 80 %.
La découverte du Plan d’Aménagement, d'Embellissement et d'Extension – élaboré avec René Danger et dont le rapporteur auprès de la Commission supérieure fut Léon Jaussely - revisite l’historiographie présentant une reconstruction uniquement à l'identique, un Plan d'alignement parcimonieux et échappant au contrôle de la Municipalité. Bien au contraire, elle fit résolument sienne la nouvelle science du début du XXe siècle, l’urbanisme, qui comptait ces derniers parmi ses précurseurs.
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