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La Grande Reconstruction, Arras, ville nouvelle !

La Grande Reconstruction, Arras, ville nouvelle !

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La Grande Reconstruction en quelques lignes...

La Grande Reconstruction en quelques lignes...

préalable

L'Hôtel de Ville et le beffroi avant le conflit

Les ruines de l'Hôtel de Ville (source : Médiathèque d'Arras)

L'Hôtel de Ville et la Petite Place, 1917 (source : BNF - Agence Rol)

Marché sur la Petite Place (Photo : Joseph Quentin)

 

Petite Place, voyage présidentiel pour la remise à la Ville de la Croix de guerre et de la Légion d'Honneur, 28 décembre 1919 (source : BNF - Agence Rol)

 

 

La Grande Reconstruction,

Arras, ville nouvelle !

 

Récemment,  les dossiers de la Grande Reconstruction d’Arras – ville détruite à près de 80 % - conservés aux archives municipales ont été analysés (2200 autorisations de reconstruire, les dossiers relatifs au plan d’alignement, à la reconstruction des églises, des édifices publics, à la reconstitution de l’infrastructure ; service de l’eau, de l’éclairage public, les égouts…). Des recherches ont été également effectuées dans d’autres centres d’archives, auprès de particuliers.

 

La reconstruction d’Arras, entre 1919 et 1934, va renouveler totalement la physionomie de la ville : le plan d’alignement est réalisé. Faute d’avoir eu accès aux archives, les historiens écrivent que ce plan fut incontrôlé par la Municipalité et parcimonieux. Or, il n’en est rien.

A partir de 1916, le journal le Lion d’Arras se fait le relais de cette délicate question : « Faut-il conserver nos ruines ? ». Restaurer ou reconstruire ?

Deux idées vont alors s’opposer : l’une exprime le souhait de voir reconstruire la ville à l’identique de ce qu’elle était en 1914 ; l’autre propose de maintenir le centre-ville en ruines en mémoire de la barbarie allemande. Néanmoins les arguments en faveur de la reconstruction de la ville prennent le pas sur la conservation des ruines. Arras se métamorphosera, in situ...

Dès la fin du conflit, de nombreux baraquements ainsi que des cités provisoires s’érigent de part et d’autre de la ville.

Baraquements rue des Grands-Vieziers (source : Médiathèque d'Arras)

 

La mise en oeuvre du P.A.E.E. et de son plan d'alignement

Les élus affinent les nouveaux alignements de la ville, sur lesquels ils ont commencé à travailler dès juillet 1917. La loi Cornudet du 14 mars 1919, première loi de planification urbaine, impose aux communes dévastées par la guerre d’établir un plan d’aménagement d’embellissement et d’extension (P.A.E.E.), ainsi qu'un plan d’alignement. L’idée est de faire émerger une ville nouvelle des ruines, avec, sous-jacente, une réflexion urbanistique favorisant la circulation, l’esthétique et l’hygiène (« l’air pur, l’eau propre, la lumière »).

Un plan général d’aménagement et d’extension est voté lors du Conseil municipal du 16 mars 1923. Parmi ses protagonistes, figurent des précurseurs de cette science nouvelle, l’urbanisme : René Danger, qui a levé le plan d’alignement de 1923 (à l’échelle 1/200e) ; Léon Jaussely, rapporteur de la Commission supérieure d’Aménagement, d’Embellissement et d’Extension des villes pour le PAEE d’Arras.

Plan général des alignements, échelle 1/1000e, 1923, 2e feuille - Les constructions à exproprier sont colorées : en vert, pour le programme d'application immédiate ; en jaune, pour le programme de deuxième urgence. (source : Archives municipales d'Arras)

Plan général des alignements, échelle 1/1000e, 1923, 2e feuille - Les constructions à exproprier sont colorées : en vert, pour le programme d'application immédiate ; en jaune, pour le programme de deuxième urgence. (source : Archives municipales d'Arras)

détail du plan d'alignement au 1/200e de la rue Saint-Aubert (les parties colorées en vert et en jaune correspondent aux surfaces à exproprier pour élargir la rue)

6 rue Saint-Aubert (à droite sur la photo), 1927. Pour élargir la rue, les façades vont être "rabotées" (source : archives municipales)

6 rue Saint-Aubert, 1928 : la maison est alignée (la façade est reculée) (source : archives municipales)

6 rue Saint-Aubert, façade actuelle, suite à l'alignement.

Le plan d'alignement prévoit aussi l'établissement de pans coupés afin d'adapter les carrefours à la circulation automobile. Ici, en exemple, le 12 place du Pont de Cité (à droite, intersection avec la rue Baudimont).

12 Place du Pont de Cité, avant novembre 1926 - La partie hachurée correspond à la surface expropriée, sujette à un pan coupé (source : archives municipales)

12 Place du Pont de Cité, novembre 1926 - Le pan coupé est réalisé (source : archives municipales)

Les protagonistes du P.A.E.E. et de son plan d'alignement

Léon Jaussely (1875 – 1932)

Il est co-fondateur de la Société française des urbanistes, Grand prix de Rome en 1903. Il remporte le concours pour le plan d’extension de la ville de Barcelone en 1905. Il est le concepteur avec Albert Laprade en 1928 du Musée des colonies. (actuel Musée de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte dorée).

Il a élaboré les PAEE de nombreuses villes (Toulouse, Vittel, Tarbes, Grenoble, Carcassonne, Pau)

Il a jeté les bases d'une philosophie nouvelle de l'art de construire les villes.

 

René Danger (1872 – 1954)

Il est co-fondateur de l’Ordre des Géomètres-Experts, membre de la Société française des

René Danger (Collection Privée / E. Danger)

urbanistes. Il crée avec son frère Raymon (sans d) la Société des plans régulateurs de Villes. Ils ont contribué à l’aménagement de nombreuses villes : Caen, Périgueux, Rodez, Oran, Constantine, Bône, Beyrouth, Tripoli, Alep et donc… Arras.

Victor Leroy (1856 – 1922)

Ancien juge au tribunal de commerce, il est élu Maire d’Arras le 10 décembre 1919. Il meurt en fonction.  Victor Leroy, inlassable défenseur du plan d’alignement, est le rapporteur de la Commission Avant-projet pour les nouveaux alignements de la Ville (1918).

 

Gustave Lemelle (1872 – 1944)

Avocat, Maire d’Arras du 12 janvier 1923 au 19 mai 1929. Le plan général d’aménagement et d’extension fut voté sous sa mandature lors de la séance du Conseil municipal du 16 mars 1923. C’est aussi sous sa mandature que le PAEE fut mis en oeuvre.

 

 

Bilan du plan d'alignement

Le plan d’alignement a été effectivement mis en œuvre.

83 % des rues concernées par le programme de première urgence ont vu leurs travaux entièrement réalisés.

Au moins 526 édifices ont été alignés. 356 d’entre eux ont fait l’objet d’un jugement d’expropriation (en 1925 et 1927).

71 rues ont été impactées par le plan d’alignement (programmes d’application immédiate et de 2e urgence, avec plus ou moins d’importance). Pour 24 rues, les travaux sont importants ou très importants.

Plusieurs rues étroites et tortueuses sont alignées. En exemple, la rue Maître-Adam :

La rue Maître-Adam avant le conflit (source : médiathèque municipale)

 

projet d'alignement de la rue Maître-Adam (construction en jaune et en vert à exproprier)

"La rue Baudimont est jugée suffisamment large ; on y prévoit seulement une entrée plus large sur la place de la Préfecture et une communication plus facile vers Saint-Nicolas par la rue Maître-Adam, qui serait portée à environ 12 mètres." (Avant-projet pour les nouveaux alignements de la Ville, 1918)

La rue Maître-Adam aujourd'hui

La place d’Ispwich, la rue Victor-Leroy sont créées.

La place de la Vacquerie est agrandie ; la rue des Carabiniers-d’Artois et la rue de la Paix sont prolongées ; la rue Paul-Doumer est percée ; les pourtours de l’Hôtel de Ville et de la cathédrale sont dégagés.

 

Arras fut bonne élève comparativement aux autres villes concernées : seules 8 % des villes tenues d’avoir un plan d’aménagement d’embellissement et d’extension ont fait l’objet d’un décret d’utilité publique.

L’exploitation du fonds inédit des archives revisite l’historiographie présentant un aménagement incontrôlé et parcimonieux.

 

Nous retrouvons le sens oublié du tableau qui contemple la salle du Conseil municipal de l’Hôtel de Ville, inauguré en 1932. En témoignage de son importance pour les contemporains de la Grande Reconstruction, le Plan d’alignement est au centre de l’œuvre de Charles Hollart. Cette peinture forme comme un trait d’union entre les joyaux anciens, les figures de l’art et de la culture d’Arras (la tapisserie, la porcelaine, Adam de la Halle, Jehan Bodel…) et la ville nouvelle, à l’ère de l’urbanisme moderne.

tableau de Charles Hollart

tableau de Charles Hollart

Plus de 190 architectes ont reconstruit la ville.

Certains édifices font référence aux styles préexistant avant la Première Guerre mondiale : la maison de ville baroque flamande ; quelques hôtels particuliers gardent le style classique des XVIIe et XVIIIe siècles ; la maison bourgeoise arbore le style éclectique ou rappelle la maison anglo-normande. D’autres édifices en empruntant à l’architecture flamande le pignon à pas de moineaux ou à l’architecture baroque le pignon à volutes renvoient au style régionaliste néo-flamand.

Mais Arras a essentiellement épousé dans son centre-ville commerçant, en adoptant le style Art déco et le style international, la modernité du début du siècle dernier.

Elle a aussi permis des réalisations atypiques, tels les bains-douches de la Caisse d’Epargne, au style architectural orientalisant.

Les bains-douches de la Caisse d'Epargne (source : médiathèque municipale - Musée des Beaux-Arts d'Arras, photographie de Joseph Quentin)
Les bains-douches de la Caisse d'Epargne (source : médiathèque municipale - Musée des Beaux-Arts d'Arras, photographie de Joseph Quentin)

Les bains-douches de la Caisse d'Epargne (source : médiathèque municipale - Musée des Beaux-Arts d'Arras, photographie de Joseph Quentin)

Quatre églises durent être reconstruites entièrement : l’église Saint-Géry, l’église Ronville, l’église Saint-Jean-Baptiste et l’église Saint-Sauveur. Pour chacune d’elle, les architectes dessinèrent un nouvel édifice.

 

La reconstruction à l'identique

La loi du 17 avril 1919 sur la réparation des dommages causés par les faits de la guerre (dite "Charte des sinistrés") impose de reconstruire les monuments historiques à l'identique.

Rappelons quels sont les édifices arrageois classés Monuments historiques et leur date de classement : les façades de l'Hôtel de Ville (1921), le beffroi (1840), l'ensemble des façades des deux places (1919, 1920, 1921), l'abbaye Saint-Vaast (1907), la cathédrale (1906).

Les édifices classés Monuments historiques ont été reconstruits à « l’identique » : l’Allemagne ne les aura pas anéantis à tout jamais. Aussi, Arras a su préserver son histoire, retrouver ce qui fonde son identité (le beffroi, l’Hôtel de Ville – en leur rendant leur aspect d’antan – et les places).

 

Le beffroi et la façade principale de l’Hôtel de Ville sont reconstruits dans le style d’avant-guerre. Les ajouts du Second Empire ont été supprimés. L’ordonnance architecturale de 1572, conçue par Mathias Tesson, a été adoptée pour une plus grande uniformité de l’édifice.

Le beffroi, s’il conserve son allure médiévale, est ancré sur une solide armature de béton et d’acier, dont les plans ont été conçus par le bureau d’études Pelnard-Considère-Caquot (Albert Caquot est l’auteur de la structure en béton armé du Christ Rédempteur du Corcovado à Rio de Janeiro).

Pose de la première pierre de l'Hôtel de Ville, 24 août 1924 (source : médiathèque d'Arras)

Pose de la première pierre de l'Hôtel de Ville, 24 août 1924 (source : médiathèque d'Arras)

Pose de la première pierre de l'Hôtel de Ville, 24 août 1924 (source : médiathèque d'Arras)

Les fondations de l'Hôtel de Ville (source : archives municipales d'Arras)

​La construction de l'Hôtel de Ville (source : archives municipales)

reconstruction de l'Hôtel de Ville et du beffroi, 9 mai 1929 (source : archives municipales)

Techniquement, la reconstruction d’Arras consacre l’usage du béton armé.

La reconstruction à l’identique des Monuments historiques (les façades des places, l’Hôtel de ville, le beffroi, la cathédrale, le Palais Saint-Vaast) est confiée à Pierre Paquet, Inspecteur général des Monuments Historiques.

L'Hôtel de Ville aujourd'hui

 

façades de la Place des Héros (Petite Place) aujourd'hui